Théorie et pratiques en organisation communautaire

L'action politique locale: une autre forme d'organisation communautaire

2.2. L’action politique locale : une autre forme d’organisation communautaire Louis FAVREAU YVES HURTUBISE Hormis quelques exceptionsl , les écrits sur l’organisation communautaire font peu état des rapports (de complémentarité ou d’opposition par exemple) qu’entretiennent l’action communautaire et l’action politique locale, celle qui utilise les moyens électoraux. Le vide est tout aussi grand lorsqu’il s’agit d’avancer sur le terrain de l’action politique locale comme sur un des chemins que peut emprunter l’organisation communautaire2 . Or il y a là une voie particulièrement intéressante à explorer, car l’histoire de ce type d’organisation communautaire est riche tant aux États-Unis, par exemple, qu’au Québec. 1. P. VILLENEUVE (1982). «Changement social et pouvoir municipal à Québec», Cahiers de géographie, 26, (68) p. 223-233. P. VILLENEUVE (1987). «Le Rassemblement populaire de Québec comme véhicule d’un projet alternatif», J.-L. KLEIN et al. Aménagement et développement vers de nouvelles pratiques ?, Cahiers de l’ACFAS, 38, p. 91-103. P. VILLENEUVE (1989). «Les vicissitudes des partis politiques municipaux au Canada». Communication présentée au colloque «Les formes modernes de la démocratie», organisé par le GRETSE, à l’Université de Montréal. Texte ronéo, département de géographie, Université Laval. 2. H. QUIRION (1972). .Community organization and political action in Montreal», Social Work, 17, (5), p. 85-90. Janice E. PERLMAN (1976). «Grassrooting the system», Social Policy, sept.-oct., p. 4-20. Janice E. PERLMAN (1979). «Grassroots empowerment and government response», Social Policy, 10, (2), sept.-oct., p. 16-21 120 Première partie QUELQUES CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES PRÉALABLES SUR L’ACTION POLITIQUE LOCALE La constante la plus manifeste dans la tradition orale et écrite des mouvements sociaux urbains a trait à l’amalgame qui est fait entre le politique et la politique. Or, si la politique est englobée en apparence par le politique, elle ne se situe pas moins dans un champ spécifique. Elle a sa propre dynamique. Qu’est-ce que cela signifie ? Lorsque nous parlons du politique, il s’agit généralement de toute action collective (communautaire entre autres) menée contre l’inégalité et l’exclusion de groupes sociaux, toute action de revendication et de pression auprès des pouvoirs en place. C’est Grosser et Mondros3 qui ont le mieux campé cette approche générale en organisation communautaire. La visée est large et englobe tout à la fois l’action sociale de défense de droits sociaux, l’action politique électorale et même le développement local de type communautaire. Mais comme la plupart des auteurs, Grosser et Mondros n’abordent pas directement la question de l’action politique électorale. Tabou de l’organisation communautaire, peut-être ? Dans les ouvrages américains portant sur le sujet, de rares auteurs, comme Janice E. Perlman, vont décrire l’action politique locale, la politique, comme l’une des formes de l’organisation populaire4 : The grassroots groups may be classified according to approach : there are group which use direct action to pressure existing institutions and elites to be more accountable ; those which seek power electorally in order to replace the existing elites and institutions ; and those which bypass existing centers of power by forming alternative institutions. Janice E. Perlman s’empresse d’ailleurs d’ajouter à juste titre : These categories are by no means mutually exclusive ; the most interesting, innovative, and succesful groups often combine two or even all three approaches. Dans son analyse des mouvements sociaux urbains, Villeneuve distingue, dans la même perspective que Perlman, trois types de mou3 . Charles F. GROSSER et J. MONDROS (1985). «Plurialism and participation : The political action approach», Samuel H. TAYLOR et R. W. ROBERTS, Theory and Practice of Community Social Work, Columbia University Press. Version française adaptée à la situation québécoise dans COLLECTIF (1990). S’organiser, s’entraider, s’en sortir, CLSC HochelagaMaisonneuve , Montréal. 4. Janice E. PERLMAN (1979). Grassrooting the system», F. Cox, J. ERLICH et al., (1979). Strategies of Community Organization, Itasca, Illinois, Peacok Publishers, p. 403-425. 5. P. VILLENEUVE (1989). Loc. cit. L’action politique locale 121 vements5 : les mouvements de revendication, les mouvements de défense d’unités de voisinage et les mouvements de contrôle des institutions politiques. Ce sont ces derniers qui pratiquent ce que nous appelons l’action politique...