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Fluctuat... nec mergitur Rassuré (mais un peu déçu tout de même) par l’absence d’une surmortalité par cardiopathie ischémique parmi ses ouailles, E. Pidémio a invité son amie AnnaLise à passer un week-end à Villebidon. La conversation languissant après un déjeuner peut-être un peu lourd, notre ami, tout en dégustant un vieux calvados hors d’âge, lança un nouveau sujet : − Regarde, Anna, la lettre que je viens de recevoir du ministère de la Santé. Ils font une enquête auprès des jeunes médecins de moins de 35 ans et je suis invité à y participer. − Mais ça m’a l’air très intéressant, dit Anna-Lise, après en avoir achevé la lecture. Il s’agit de connaître l’orientation suivie par les jeunes médecins à la fin de leurs études et de cerner leurs difficultés au moment de leur installation. Tu devrais répondre à ce questionnaire. Tu ne dois pas manquer de choses à leur raconter ! − Encore un papier à remplir ! Ils ne se rendent pas compte, tous ces technocrates, que nous autres, généralistes, nous disposons de très peu de temps. On dirait qu’ils n’ont que ça à faire. En plus, ça doit leur coûter les yeux de la tête d’interroger tout le monde. Voilà où passe l’argent du contribuable ! Anna-Lise, adoptant le ton professoral et légèrement condescendant qui lui venait si naturellement (déformation professionnelle sans doute), interrompit son ami : − Tu ne crois tout de même pas qu’ils vont s’amuser à interroger tous les jeunes médecins de France. Non, c’est certainement une enquête par sondage aléatoire. L’objectif de telles enquêtes est de constituer un sousensemble de taille réduite, l’échantillon, qui sera étudié à la place de la population totale. Je ne suis pas Madame Soleil, mais je pense qu’ici ils ont tiré au sort les noms des médecins participant à l’enquête sur une liste (peut-être du Conseil de l’Ordre) dont avaient été éliminés auparavant tous les médecins dépassant 35 ans. Chaque personne ayant la même probabilité d’être choisie, l’échantillon ainsi construit doit 26 L’ÉPIDÉMIOLOGIE SANS PEINE Illustration [18.222.67.251] Project MUSE (2024-04-16 04:55 GMT) LES AVENTURES DU DR E. PIDÉMIO ET DE SON AMIE ANNA-LISE 27 normalement être représentatif de la population étudiée, c’est-à-dire lui ressembler fidèlement. − Tu m’en apprends des choses ! Moi qui croyais que les sondages étaient uniquement l’affaire des instituts politiques et des agences de publicité ! − Pas du tout. Les épidémiologistes aussi travaillent souvent à partir d’échantillons. Les données médicales exhaustives, c’est-à-dire recueillies systématiquement pour toute la population, sont rares. En France, il y a l’enregistrement des décès... − C’est vrai, il faut remplir un bulletin à chaque fois qu’un patient a la mauvaise idée de nous quitter. C’est d’ailleurs grâce à cela que nous avons pu étudier l’autre jour la mortalité par cardiopathie ischémique. − Exactement... − Mais puisqu’on enregistre de façon exhaustive la cause de tous les décès, pourquoi ne pourrait-on le faire aussi pour d’autres phénomènes pathologiques ? Ça nous rendrait bien service, à nous autres médecins, et tu ne serais pas mécontente non plus, j’imagine. − Évidemment, on pourrait théoriquement l’envisager, mais cela présente toutes sortes de difficultés. Tu te plaignais à l’instant d’être submergé de paperasse à remplir : que dirais-tu si tu devais remplir une fiche chaque fois que tu vois un de tes patients ? Sans prendre garde à la mine effrayée de E. Pidémio, Anna-Lise, lancée sur un de ses thèmes favoris, continua imperturbablement : − De plus, il faudrait être sûr que les médecins recueillent toujours les données de façon correcte et comparable de l’un à l’autre. Déjà pour la cause du décès, ce n’est pas toujours évident, alors qu’il s’agit d’un phénomène relativement facile à appréhender, qui n’est pas si fréquent et qui ne donne donc pas beaucoup de travail supplémentaire. − Si tu crois que c’est toujours évident de connaître avec précision la cause d’un décès ! Mais...

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