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Epidé... Quoi ?
- Presses de l'Université du Québec
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Epidé... Quoi ? Force tranquille... ou tarte à la crème ? Épidémiologie, facteur de risque, risque relatif, cas-témoins... Même en essayant, il est devenu bien difficile de lire un journal médical sans rencontrer à chaque paragraphe au moins un de ces termes. Le pouvoir épidémiologique nous envahit, s’accompagnant de réactions diverses : agacement, rejet, curiosité, enthousiasme... L’épidémiologie est-elle ce qu’on promet, va-t-elle réellement bouleverser nos connaissances sur les maladies, résoudre tous les problèmes auxquels se heurte l’efficacité médicale, modifier profondément la pratique du médecin ? Ou est-ce une tarte à la crème de plus, une mode transitoire qui disparaîtra aussi vite qu’elle se répand actuellement ? Notre mère l’Université n’ayant pas jusqu’ici jugé bon de nous faire boire le lait de l’épidémiologie, il faut bien se débrouiller soi-même pour comprendre ce dont il s’agit. La difficulté, c’est que chacun, ou quasiment, comprend autre chose. Ni ange, ni démon, l’épidémiologie (science médicale bien installée dans de nombreux pays), si elle a un domaine d’application très large, a également des limites assez étroites. Ce que l’épidémiologiste sait faire... L’épidémiologie est la science qui étudie la fréquence et la répartition des maladies dans le temps et l’espace, le rôle des facteurs qui déterminent cette fréquence et cette répartition, et cela au sein de populations humaines. Cette définition (bien que relativement restrictive) constitue sans doute le plus petit commun dénominateur dans lequel tous les épidémiologistes se reconnaissent. Compter les malades (et pas seulement ceux qui arrivent jusqu’à l’hôpital ou chez le médecin), les rapporter à l’effectif de la population (donc compter aussi les bien portants) et calculer ainsi des taux, des pourcentages qui permettront de comparer le Nord et le Sud, les jeunes et les vieux, les ouvriers et les P.D.G., hier et aujourd’hui (et parfois de prévoir demain), c’est cela étudier la fréquence et la répartition des maladies. C’est aussi ce qu’on appelle l’épidémiologie descriptive, celle qui a pour objectifs d’identifier les problèmes de santé dans la population, d’évaluer leur importance, d’analyser les tendances... en un mot de décrire l’état de santé de la population. C’est un des moyens de commencer à comprendre les 16 L’ÉPIDÉMIOLOGIE SANS PEINE causes des maladies ; ce pourrait être un des moyens de piloter raisonnablement le système de santé. Sélectionner soigneusement au sein de la population des groupes de sujets, malades et non malades, soumis et non soumis à des conditions susceptibles d’influencer leur état de santé, recueillir pour chacun de ces sujets des données individuelles obtenues de façon rigoureusement comparable concernant leur état de santé, les conditions de leur exposition à tel facteur de risque, comparer cette exposition chez les malades et les non-malades (ou la fréquence de la maladie chez les exposés et les non-exposés), c’est cela étudier le rôle des facteurs qui déterminent la fréquence et la répartition des maladies dans la population. C’est aussi ce qu’on appelle l’épidémiologie à visée explicative (ou analytique, ou étiologique), celle qui a pour objectif de comprendre les causes des maladies. C’est un des moyens d’éclairer les mécanismes d’apparition ou de développement de la maladie ; ce pourrait être un des moyens de piloter raisonnablement la prévention. Mais être épidémiologiste, c’est aussi (et de plus en plus) s’intéresser aux résultats des actions de santé dans la collectivité, analyser les cas évités, les malades effectivement guéris par l’application en grandeur nature (et pas seulement dans le vase clos de l’hôpital) de telle procédure préventive, diagnostique ou thérapeutique. C’est ce qu’on appelle l’épidémiologie évaluative (ou d’intervention). ... et ne sait pas faire L’épidémiologiste a un champ d’application immense, mais limité. Immense, car rien de ce qui est pathologique ne lui est étranger (maladies transmissibles ou chroniques, accidents, handicaps...), limité, parce qu’il partage ce domaine avec d’autres sciences. S’il peut affirmer que l’usage du tabac augmente la fréquence des cancers respiratoires, c...