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À bout de souffle
- Presses de l'Université du Québec
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À bout de souffle E. Pidémio, épuisé par une journée de travail surchargée (l’épidémie de grippe habituelle), se laisse aller devant un petit apéritif, face à sa troublante amie Anna-Lise. E. Pidémio : — Chère Anna, nous en avons fait des choses tous les deux, dans ce domaine passionnant qu’est l’épidémiologie. Mais j’ai toujours évité l’étape de la rédaction des résultats, et c’est ma faute ; je ne m’y suis pas vraiment intéressé. Et puis, à relire ce que tu écrivais, tout me semblait couler de source. Or, ce matin, dans mon journal habituel de formation médicale (ce n’était pas la revue Prescrire), je suis tombé sur une note épidémiologique*. J’aimerais beaucoup te faire part des questions que cette lecture m’a inspirées... — Ça me fait plaisir que tu abordes ce sujet. C’est mon dada : en effet, pour avoir un impact, une bonne étude doit être diffusée. Mais encore faut-il qu’elle soit correctement rapportée, et donc que tous les éléments, ou du moins les principaux, soient présentés aux lecteurs afin qu’ils puissent juger de sa validité. Mais je m’égare une fois de plus... Tu me parlais d’un article... ? — Oui, et je ne crois pas qu’il entre dans la catégorie que tu viens d’évoquer. Mais nous pourrions peut-être l’analyser en détail, chère Anna-Lise ? — Très bonne idée. — Le titre d’abord : Asthme et habitat. A priori, j’en déduis finement qu’il doit s’agir d’une étude de la relation entre l’asthme et l’habitat. Je te lis le début. * Si nos deux compères E. Pidémio et Anna-Lise sont des personnages de fiction, l’article cité dans cet épisode est, lui, tout à fait réel. Il a été publié en 1983. 82 L’ÉPIDÉMIOLOGIE SANS PEINE [44.192.75.131] Project MUSE (2024-03-29 03:09 GMT) LES AVENTURES DU DR E. PIDÉMIO ET DE SON AMIE ANNA-LISE 83 Les affections asthmatiques sont pour certains considérées comme une maladie de la relation humaine. Or les troubles relationnels, qu’on leur reconnaisse ou non un support somatique, ne sont pas indépendants de l’espace qui offre à l’individu son étendue et ses limites. L’habitat est dans cet espace, individuel tout autant que collectif, un des éléments les plus étroitement associés à la communication. C’est la raison pour laquelle on s’est proposé d’examiner si l’on pouvait déterminer un effet de certains paramètres de l’habitat sur les affections asthmatiques. De cette introduction, il ressort que, pour certains, l’asthme est lié à des troubles relationnels et de communication. En admettant le postulat que le type d’habitat est lié à la communication entre les individus, on peut s’intéresser à l’étude du lien entre le type d’habitat et l’asthme dans une chaîne du genre : habitat → communication → asthme. — Tu as raison ; mais n’oublie pas que même si on arrivait à mettre en évidence le lien habitat asthme, ce qui m’a semblé être l’objectif des auteurs, cela ne voudrait pas forcément dire que ce lien passe par l’étape intermédiaire que constituent les problèmes de communication. En effet, il pourrait s’agir de tout autre chose. Imaginons par exemple la chaîne : habitat → poussière → problème allergique → asthme. — Élémentaire... c’est évident. Je continue. Ici, le problème se corse. Les auteurs n’ont considéré que des sujets malades et les ont classés en fonction de la fréquence de leurs crises. Je cite : 29 sujets, inscrits dans un périmètre restreint pour éliminer l’influence des variations dues au microclimat (3 km2 ), ont été classés suivant la fréquence de leurs crises : • Fréquence des crises supérieure ou égale à une crise par semaine (catégorie 1) N = 8 sujets. • Fréquence des crises inférieure ou égale à une crise par semaine (catégorie 2) N = 1 5 sujets. • Fréquence des crises égale à une crise par an (catégorie 3) N = 6 sujets. On ne sait pas si tous les sujets malades du périmètre ont été retenus ou non, quels malades ont été choisis et sur quels critères. — Effectivement. Si l’on pouvait s’attendre au...