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2 Décisions personnelles et implantation du changement social Roger TESSIER Qu’est-ce que l’implantation d’un changement social ? Un changement social est véritablement implanté quand les conduites qui en résultent (que ces conduites soient individuelles ou de groupe) présentent des aspects de stabilité. La poursuite d’un changement social jusqu’à son implantation dans le milieu suppose plus qu’une modification momentanée de certaines conduites. Selon Kurt Lewin (1951), il ne s’agit pas de modifier brusquement le niveau d’une conduite pour le voir retomber à la première occasion. Il faut que le niveau atteint à la suite du changement se cristallise et devienne en quelque sorte une nouvelle habitude. Il est relativement facile de déclencher des changements sans lendemain ; l’histoire récente de beaucoup d’initiatives dans le milieu de l’éducation en témoignerait aisément. Il est facile de piquer la curiosité des gens, d’obtenir qu’ils consacrent quelque énergie pendant un court laps de temps à un problème précis ou à un aspect ou l’autre de leur pratique professionnelle. Une véritable stratégie de changement entend modifier de façon durable la conduite des personnes qu’elle concerne. Il faut que les changements s’insèrent dans les moeurs du milieu et deviennent irréversibles ; ce qui ne suppose pas la pétrification de la conduite, mais la consistance d’un schème abstrait en adaptation continuelle. Le changement social n’atteint une dimension historique que s’il parvient à se situer au-delà de la mode transitoire, du goût du jour, de la passade sans lendemain. 14 Roger TESSIER Un changement s’implante dans la vie d’un groupe quand il est personnalisé par opposition à conformiste1 . Il faut que les personnes assument personnellement les objectifs implicites du changement et intègrent les nouvel-les valeurs à leur synthèse personnelle, de même que les attitudes et les conduites qui en dérivent. Très souvent, les changements procèdent de pressions que les leaders, l’autorité officielle ou une majorité des membres du groupe exercent sur des personnes qui, laissées à elles-mêmes, seraient plutôt récalcitrantes. Un changement qui naît d’un conformisme sans intériorité, sans véritable détermination personnelle ni authentique auto-appropriation ne dure que le temps où la pression elle-même s’exerce. On pourrait citer à l’infini des exemples de changements tributaires du zèle personnel ou des pressions exercées par certaines personnes clés, changements qui s’effritent dès que ces personnes quittent le milieu où elles exerçaient leur activité d’agent de changement. Que d’initiatives pédagogiques sans lendemain, mortes dès le moment où l’animateur est devenu directeur d’une autre école ! Le changement, enfin, s’implante beaucoup mieux si son contenu est abstrait et polyvalent par opposition à concret et ritualiste. Si on apprend aux gens à s’orienter différemment par rapport à certains aspects de leur milieu ou à certaines valeurs (à adopter de nouvelles attitudes), on les rend capables de réinterpréter eux-mêmes, et ce, continuellement, les conduites particulières à adopter dans telles ou telles conjonctures, telles ou telles situations inédites ; par contre, si on apprend aux gens des conduites concrètes, rigidement organisées entre elles et qui épousent la forme d’un rituel, on les rend incapables de traduire à nouveau les implications véritables des changements proposés en tenant compte de modifications au sein des situations où s’appliqueraient les conduites transmises. À ce propos, il faut évidemment éviter deux dangers extrêmes. Le premier, intellectualiste, consisterait à prêcher une idéologie ou à parler en théorie de certaines attitudes sans permettre aux personnes de confronter leurs nouvelles croyances ou leurs nouvelles orientations au plan des valeurs avec la réalité concrète. Il faut, pour faire la conquête de nouvelles attitudes personnelles, élucider chacun pour soi jusqu’à quel point ces nouvelles attitudes touchent la conduite concrète. Il faut corriger, en quelque sorte, son image de soi à partir de son comportement dans un processus d’introspection qui mesure jusqu’à quel point les nouvelles croyances et les nouvelles attitudes s’incarnent dans un comportement externe qui leur correspond. Il faut éviter également de faire des personnes auxquelles on veut soumettre certains changements des chiens bien dressés auxquels on a appris un répertoire de réponses « fermé », 1. Cette distinction entre conformisme et personnalisation s’apparente à celle propos...

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