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Chapitre 4_L'utilisation du savoir - De la notion d'échange à la notion d'intégration
- Presses de l'Université du Québec
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4 L’utilisation du savoir De la notion d’échange à la notion d’intégration Robert POUPART Le phénomène de l’utilisation du savoir ne se transforme en problématique que lorsqu’il devient nécessaire de distinguer les « bonnes » des « mauvaises » utilisations du savoir. Existe-t-il des utilisations du savoir qui soient « bonnes » ou« mauvaises » et, si oui, suivant quels critères ? Havelock et Benne (1967) identifient quatre séries différentes de critères possibles. Il est possible de distinguer les critères de l’agent de ceux du client. Voilà donc deux séries de critères différents. Buchanan (1967), lorsqu’il définit une intervention réussie comme étant celle après laquelle l’organisation (le client) continue de s’améliorer en utilisant ses propres ressources, utilise un critère de réussite qui lui est personnel. C’est Buchanan, en effet, qui décide de définir ainsi la « réussite ». D’ailleurs, Buchanan, se situant parmi les praticiens du changement planifié centré sur l’autorénovation, définit comme étant réussie une intervention qui a atteint un tel objectif d’autorénovation. L’agent donne ici au critère de réussite un contenu qui est caractéristique de lui-même, de son propre système de valeurs. Un autre agent, œuvrant à l’intérieur d’une autre tendance du changement planifié par exemple, assignerait un autre contenu au critère de réussite. Pour définir un critère de réussite, il est aussi possible d’utiliser une combinaison des critères de l’agent et du client, différents critères de l’un et de l’autre contribuant intégralement à la constitution du critère terminal, ou de tenter de concilier ces deux premières séries de critères, une modification des critères de l’un et de l’autre constituant le critère terminal. La combinaison ou 62 Robert POUPART la conciliation des deux premières séries de critères constituent les troisième et quatrième séries de critères de Havelock et Benne. Il est frappant de constater que ces quatres séries de critères suggérés sont constituées sur la base du contenu même des critères de l’agent et du client. Si, comme l’ont fait Havelock et Benne, il est possible d’étudier les structures et les processus caractéristiques de l’utilisation du savoir, indépendamment de son contenu, pour découvrir ce qui est commun à toutes les utilisations du savoir, de même, il devrait être possible d’appliquer le même niveau d’analyse aux critères de distinction entre les « bonnes » et les « mauvaises » utilisations pour découvrir des critères qui ne s’établiraient plus alors sur le plan du contenu, mais sur celui des processus et des structures. Si toutes les utilisations du savoir ont quelque chose en commun, comme l’ont montré Havelock et Benne, de même toutes les« bonnes » ou « mauvaises » utilisations du savoir devraient avoir quelque chose en commun, indépendamment de leur contenu et des objectifs qu’elles poursuivent. L’objectif du présent texte est de fournir au lecteur des réflexions qui pourraient servir de base ou de guide à l’élaboration de critères de distinction entre les « bonnes » et les « mauvaises » utilisations du savoir, critères qui seraient indépendants du contenu de celles-ci, indépendants des conceptions des individus ou groupes mis en présence et des objectifs circonstanciels poursuivis. L’objectif n’est pas de suggérer des sujets de recherche précis se prêtant aisément et dans un avenir rapproché à la quantification nécessaire au contrôle expérimental. L’objectif est plutôt, par projection dans l’avenir, de tenter de découvrir, dans un effort d’imagination, la direction que pourraient emprunter les recherches portant sur le phénomène de l’utilisation du savoir. Revenons aux quatre principaux systèmes engagés dans l’utilisation du savoir. Havelock et Benne distinguent la recherche de base, la recherche appliquée, les praticiens et les consommateurs. Ces quatre systèmes pourraient être vus comme étant, les uns avec les autres, en relation de consommation du savoir. Pour Havelock et Benne, les circuits de rétroaction (feed-back) et d’utilisation vont dans un seul sens. Ainsi, dans les relations entre les systèmes de recherche de base...