-
Troisième partie_Les pouvoirs des corps infra-étatiques
- Presses de l'Université du Québec
- Chapter
- Additional Information
TROISIÈME PARTIE LES POUVOIRS DES CORPS INFRA-ÉTATIQUES L’une des plus importantes manifestations contemporaines de l’exercice par les États souverains du jus tractatuum est la création des corps infra-étatiques. Ceux-ci, on l’a vu, sont des membres dérivés de la société internationale. Ils tiennent leur existence et leurs compétences des États. Mais ils expriment une volonté juridiquement distincte de celle de leurs membres et possèdent la subjectivité internationale37 . Historiquement parlant, les corps infra-étatiques dérivent des conférences internationales. Ils remontent à la seconde moitié du XIXe siècle avec la création en 1856 de la Commission européenne du Danube et en 1865 de l’Union télégraphique internationale. Ils n’ont cessé, depuis cette date, de se multiplier. De nos jours, il y a plus d’organisations internationales que d’États souverains. Malgré tout, parce que l’État demeure le cadre fondamental du pouvoir, la société internationale est encore une société inorganique. L’ordre juridique qui existe entre les États reste toujours, pour l’essentiel, un ordre de juxtaposition qui tend cependant, de façon grandissante, à se transformer en un ordre de coordination. En théorie, l’existence des organisations internationales ne porte pas atteinte à la jouissance illimitée par les États, dans le respect du droit, du jus tractatuum. En pratique, toutefois, l’action des corps infra-étatiques et, a fortiori, les pouvoirs de certains d’entre eux ont des effets tantôt limitatifs et tantôt contrai37 . C.I.J., Avis consultatif du 11 février 1949 dans l’affaire des dommages subis au service des Nations Unies. 40 LA CAPACITÉ INTERNATIONALE DES ÉTATS gnants sur la capacité des membres originaires de la société internationale. René-Jean Dupuy rappelle que la constitution d’une organisation entraîne toujours un triple effet : a) l’institution d’organes permanents ; b) un partage de compétences entre les membres et les organes, partage pouvant être très inégal au profit des États ; c) le dégagement d’une volonté propre38 . Dans toute compétence, il faut considérer les fonctions — qui sont qualifiées par la nature juridique des interventions autorisées —, les attributions et les pouvoirs. Alors que les attributions intéressent la matière sur laquelle porte la compétence, les pouvoirs concernent l’étendue des effets juridiques d’une compétence, la force obligatoire des interventions qu’elle permet. Jean Buchmann39 distingue trois grands types de relations institutionnelles entre les États : A) Les organisations internationales proprement dites, qui représentent le premier stade de l’institutionalisation des rapports interétatiques. Elles possédent un appareil organique permanent, des compétences particulières et des fins spécifiques, encore que celles-ci puissent être très générales. Mais leur volonté propre reste soumise à un pouvoir conditionné de décision, sauf, évidemment, en matière de réglementation interne et de gestion budgétaire. À l’intérieur d’une organisation de ce type, les États maintiennent leur liberté d’action. Ils conservent la double faculté d’en réviser les statuts et d’en interpréter les compétences. Il n’est jamais possible à une telle organisation de créer de nouvelles obligations de principe à l’égard des membres contre leur volonté et sans qu’ils n’aient d’une manière ou d’une autre la capacité d’avoir le dernier mot. Le pouvoir de décision des organisations internationales proprement dites est essentiellement conditionné et se manifeste selon des modes qui peuvent différer. Si les décisions se prennent à la majorité des voix, deux situations peuvent se présenter : ou bien ces décisions sont de simples recommandations ou projets de conventions, et les membres peuvent les rejeter ; ou bien elles ont un caractère obligatoire, et les membres, suivant une procédure prévue, peuvent notifier leur refus de les exécuter. La première situation caractérise l’Assemblée générale des Nations Unies, tandis que la seconde s’applique à des organisations comme l’OMS, l’OACI et l’UPU qui ont d’authentiques pouvoirs réglementaires auxquels, toutefois, les États membres gardent la faculté de se soustraire. Mais si les décisions se prennent à l’unanimité et ont force obligatoire, chaque État peut empêcher que telle ou telle décision soit adoptée en opposant son veto. C’est la règle, notamment, au conseil de l’OTAN et à celui...