In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

SIXIÈME PARTIE LA CAPACITÉ INTERNATIONALE DES PROVINCES CANADIENNES Le Canada est communément tenu pour un État fédératif. Si l’on observe la nature des rapports que les provinces entretiennent avec l’État fédéral et aussi les unes avec les autres, on ne peut que souscrire à une telle opinion. On pourrait même prétendre que les conférences intergouvernementales qui réunissent, à des intervalles presque réguliers, les représentants de l’État fédéral et ceux des provinces, ainsi que les comités et groupes de coordination qui fonctionnent entre les deux ordres de gouvernement projettent de la réalité politique canadienne une image quasi confédérale venant en quelque sorte justifier rétrospectivement le qualificatif de Confédération canadienne que le Dominion se conférait usuellement à l’époque de l’Empire britannique. Mais l’examen de la constitution canadienne, telle qu’elle a été pensée, puis rédigée, mène à une tout autre conclusion. On peut en effet affirmer qu’en droit strict les provinces canadiennes ne sont pas des États fédérés, puisque la Chambre haute qui, dans tout État fédératif, a pour fonction d’exprimer, dans l’ordre juridique fédéral, la volonté des parties constitutantes, n’est au Canada qu’un simple organe de l’État central et que ses membres n’ont aucun compte à rendre aux provinces ou aux électeurs. On peut également soutenir qu’en droit strict les provinces canadiennes ne sont même pas des États, puisque le contrôle d’opportunité qu’en vertu de l’article 90 de la Loi fondamentale le gouvernement fédéral peut exercer sur leur législation les dépouille de toute autonomie véritable. Bien entendu, quelques jugements décisifs du comité judiciaire du Conseil privé ainsi que la pratique constitutionnelle ont largement restreint la portée 72 LA CAPACITÉ INTERNATIONALE DES ÉTATS réelle des dispositions de la Loi fondamentale de 1867 qui réduit le statut des provinces à celui de simples régions administratives. Mais, comme l’a rappelé récemment la Cour suprême dans un avis historique75 , ces dispositions sur lesquelles est fondée la suprématie du pouvoir fédéral existent toujours et les tribunaux sont tenus d’en ordonner le respect lorsque les autorités centrales décident de les appliquer à l’encontre des conventions constitutionnelles. C’est d’ailleurs à ces clauses que font souvent appel les adversaires de la capacité internationale des provinces pour affirmer la compétence exclusive du gouvernement fédéral sur la scène internationale. En l’absence de toute disposition constitutionnelle relative à la conduite des relations internationales76 , l’ancien ministre des Affaires extérieures du Canada a jugé opportun, dans un livre blanc publié en 1968, d’invoquer les articles 90 et 92 (§ 16) de l’Acte de 1867 pour déterminer la nature du fédéralisme canadien et conclure à la précarité, en droit international, des pouvoirs des provinces ainsi qu’à l’étendue très limitée de leurs attributions77 . Cette argumentation paraît fragile. D’une part, il faut souligner que le droit d’annulation dont Ottawa jouit à l’égard des actes des provinces ne concerne que leur législation, c’est-à-dire les décisions de leurs assemblées législatives et non celles de leurs gouvernements. Comme ceux-ci possèdent de vastes pouvoirs réglementaires et administratifs indépendants, en pratique, du pouvoir législatif, on peut en inférer que, la plupart des accords internationaux étant au Canada des actes du pouvoir exécutif, les provinces peuvent, dans le domaine de leurs attributions, s’engager vis- à-vis d’un État étranger sans avoir à redouter l’exercice par Ottawa d’un droit d’annulation inapplicable en l’espèce. D’autre part, pour ce qui regarde le dernier paragraphe de l’article 92 qui limite la compétence générale des provinces aux questions« d’une nature purement locale ou privée », on doit admettre que bien des affaires jadis qualifiées de purement locales possèdent de nos jours une dimension internationale et que leur bon fonctionnement peut souvent dépendre des avantages que procure la coopération interétatique. En fait, s’ils se limitent à des accords portant sur des sujets ressortissant à leur juridiction et s’ils se gardent de prendre des engagements dont la mise en oeuvre supposerait l’intervention de l’organe législatif...

Share