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Le PLuraLisMe reLiGieux et juriDiQue en Matière D’état ciViL et De MariaGe, 1774-19211 MicheL Morin Professeur titulaire Faculté de droit de l’université de Montréal 1. Cette communication reprend de manière condensée et dans une perspective légèrement différente certaines parties d’une étude plus approfondie intitulée «De la reconnaissance officielle à la tolérance des religions : l’état civil et les empêchements de mariage de 1628 à nos jours», dans Jean-François Gaudreault-Desbiens (dir.), Le droit, la religion et le«raisonnable», à paraître aux Éditions Thémis. [18.119.125.135] Project MUSE (2024-04-18 20:18 GMT) octroi du pouvoir de tenir des registres des actes de l’état civil, de célébrer des mariages et de prononcer l’annulation de ceuxci a suscité des débats juridiques qui peuvent être révélateurs d’une conception spécifique des identités religieuses. À cet égard, deux thèmes particuliers retiendront notre attention: en premier lieu, nous examinerons les difficultés qu’a suscitées la reconnaissance du pluralisme religieux en matière d’état civil; en second lieu, nous présenterons la controverse concernant les empêchements de mariage propres à certaines religions. Toutefois, il importe tout d’abord de décrire les grandes étapes de la mise en place de ce pluralisme. Sous le Régime français, il n’existe rien de tel, puisque seule la religion catholique peut légalement être pratiquée. Avec la Conquête de 1760 et l’installation des Britanniques, la religion anglicane et les cultes protestants dissidents d’Angleterre font leur apparition. En 1774, le Parlement britannique reconnaît aux catholiques le libre exercice de leur religion, sans préciser clairement quel statut sera réservé aux autres confessions. Par la suite, seuls les ministres du culte catholiques et anglicans peuvent célébrer des mariages et officialiser les naissances et les décès en dressant des actes de baptême et de sépulture. Après la Guerre d’indépendance américaine, suite à l’arrivée des loyalistes ou simplement d’immigrants, les dissidents revendiquent l’obtention de ces privilèges. Au xixe siècle, de nombreuses lois autorisent donc leurs ministres à tenir des registres d’état civil, malgré une opposition initiale très forte. De même, à la fin du xixe siècle et durant le premier quart du xxe siècle, la reconnaissance de ce pouvoir aux congrégations juives provoque des critiques parfois acerbes. Pour ce qui concerne les empêchements de mariage, en 1866, le Code civil du Bas-Canada laisse le soin de tenir les registres d’état civil et de célébrer les mariages aux ministres du culte. S’appuyant sur une L’  l L’État canadien et la diversité culturelle et religieuse ambiguïté textuelle, de nombreux juristes catholiques soutiennent alors que les normes religieuses concernant la validité d’un mariage ont force de loi. Initialement, les tribunaux adoptent cette interprétation, qui est finalement rejetée par le Comité judiciaire du Conseil privé, en 1921. Or, nous verrons que si la première position avait triomphé, le pluralisme religieux aurait eu préséance sur la liberté individuelle. Le pLuraLisme reLigieux en matière d’état civiL, 1774-1921 Les modèles européens et américains Pour comprendre les fondements du pluralisme qui s’instaure après la Conquête, il faut connaître les divers modèles de célébration des mariages et d’enregistrement des actes d’état civil. En Nouvelle-France, on suit principalement les règles contenues dans des ordonnances royales françaises, notamment celle de Blois, adoptée en 15792. Ces ordonnances imposent aux curés l’obligation de tenir des registres des baptêmes, des mariages et des décès, puis d’en déposer un exemplaire au greffe de la juridiction royale du lieu. Elles exigent également que le mariage soit célébré par le curé de la paroisse où vit au moins l’un des époux3. À défaut, il sera annulé par les tribunaux ecclésiastiques, au motif qu’il est clandestin. Le curé doit également vérifier qu’un mineur âgé de 25 ans ou moins est autorisé par ses parents à se marier, sans quoi il peut être déclaré coupable du crime de rapt, lequel est passible de mort. Or, en droit canonique, l’âge de consentement est de 14 ans pour les...

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