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AvAnt-propos Lorraine Derocher, cLauDe GéLinas, sébastien LebeL-Grenier et Pierre c. noëL chercheurs au soDrus Face aux enjeux exponentiels résultant de sa pluralité religieuse et culturelle, le Canada fait souvent figure de modèle dans le monde occidental pour sa pratique originale du multiculturalisme. Néanmoins, malgré les acquis indubitables de l’État canadien en ce domaine, la réalisation du multiculturalisme en tant que tel demeure un défi de taille. En fait, c’est le pari même à la base du projet multiculturel qui demeure difficile à gagner. À la différence du système républicain qui priorise l’identité nationale inclusive sur les identités culturelles, le multiculturalisme, comme projet social, entend faire place aux expressions culturelles qui le composent. Son principe, tel que défini dans la Politique du multiculturalisme canadien de 1971, consiste en la valorisation et le partage du patrimoine culturel de tous les citoyens canadiens. Il s’agit d’une politique de la différence qui nous demande de reconna ître l’identité unique d’un individu ou d’un groupe, celle qui le distingue de tous les autres. Or l’équilibre même qui est postulé par ce multiculturalisme est difficile à atteindre. À quel moment la promotion ou la valorisation d’une identité culturelle a-t-elle une valeur intégrationniste ? Ou, au contraire, à quel moment conduit-elle à la création d’une mosaïque culturelle désintégrée et à un accroissement des solitudes au sein de la société canadienne? En d’autres termes, comment VIII l L’État canadien et la diversité culturelle et religieuse parvient-on, en faisant la promotion des identités culturelles, à la création d’une conscience multiculturelle au sein de la société canadienne et au cœur de chacun de ses citoyens? Pour répondre à ce défi, le Canada s’est donné des outils constitutionnels et législatifs tels l’article 27 de la Loi constitutionnelle de 1982, qui stipule: «Toute interprétation de la présente charte doit concorder avec l’objectif de promouvoir le maintien et la valorisation du patrimoine multiculturel des Canadiens», et la Loi sur le multiculturalisme canadien de 1988 qui vient en quelque sorte en prescrire l’application (L.R. (1985), ch. 24 (4e suppl.)). Dans le même ordre d’idées, dans le sillon de l’interprétation judiciaire du droit à l’égalité (Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons-Sears, [1985] 2 R.C.S. 536, 23 D.L.R. (4e); Commission scolaire de Chambly c. Bergevin, [1994] 2 R.C.S. 525, 115 D.L.R. (4e)), l’État canadien a retenu au cours des dernières décennies le concept juridique de l’accommodement raisonnable qui impose, dans une situation de discrimination, une obligation juridique d’aménager, à l’intérieur de limites raisonnables, une norme ou une pratique universelle en accordant une dérogation à une personne qui serait pénalisée par l’application indifférenciée de la norme ou par la pratique. Cette mesure est conçue comme faisant partie intégrante du concept d’égalité et pouvant s’appliquer à l’ensemble des domaines d’activité visés par les lois relatives aux droits de la personne. Mais outre ces outils juridiques, l’instrument sans doute le plus efficace demeure le citoyen et l’éthos canadiens tels qu’ils se sont construits au cours des derniers siècles. En effet, le Canada se présente comme un pays composé de plusieurs peuples fondateurs, d’une multitude d’immigrants, et qui, depuis ses débuts, aurait cherché à créer un modus vivendi au sein des communautés qui le composent à travers la promotion de la tolérance et de l’accommodement. Or, ce qui étonne lorsqu’on s’attarde aux débats actuels sur l’intégration des identités culturelles au Canada, c’est le peu de références à cet héritage historique. Exception faite de la déconfessionnalisation des écoles qui, par la force des choses (en raison notamment de l’article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867), a rendu nécessaire un travail de mise en contexte historique, les solutions qui sont envisagées aujourd’hui tiennent peu compte de celles qui ont été élaborées au cours des derniers siècles. Pourtant, un survol rapide peut convaincre de la richesse potentielle de ce terreau. Pensons seulement à l’Acte concernant les rectoreries (Réserves du clergé) de 1852, qui mettait...

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