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C h ap i t r e QUELLES CAPACITÉS STRATÉGIQUES POUR LES MANAGERS PUBLICS? Claude Rochet Professeur des universités Institut de management public d’Aix-en-Provence Université Aix-Marseille III Résumé Le courant de la nouvelle gestion publique a voulu promouvoir un idéaltype de manager public éthiquement neutre, destiné à remplacer celui du bureaucrate wébérien. À rebours de cette neutralité axiologique, le nouveau contexte de la troisième révolution industrielle, par les arbitrages qu’il suppose, impose au contraire un retour aux fondamentaux de la philosophie politique classique. La nécessité d’un retour du politique est soulign ée, contre le positivisme et le managérialisme dominants, par la nécessité de prendre des décisions publiques dans l’incertitude, ce qui requiert de nouveaux processus comme le débat public, des allers et retours entre la pratique et la délibération philosophique que nous résumons sous le label « d’arts pratiques » et une solide formation des managers où les humanités classiques doivent retrouver toute leur place. 238 Le métier de gestionnaire public À propo s de l ’auteur Claude Rochet, ancien élève de l’École nationale d’administration de Paris, diplômé en histoire, titulaire d’un doctorat en sciences de gestion et habilité à diriger des recherches est professeur des universités. Après des débuts dans l’enseignement secondaire et dans les relations internationales, il a quitté le secteur public pour intégrer la direction générale de la branche produits plats du groupe sidérurgique Usinor, puis a été dix ans conseil de direction générale en France et au Canada chez Secor, où il a notamment travaillé sur les programmes de recherches du professeur Roger Miller (UQAM puis Polytechnique) en innovation et gestion de la technologie. De retour dans l’Administration française, Claude Rochet se consacre parallèlement à l’enseignement supérieur, à la recherche et à l’administration active. Il a travaillé dans les services de la réforme de l’administration publique, participé à la mise en place de la LOLF et dirigé un grand projet d’implantation au ministère de la Recherche et de l’Enseignement supérieur. Il est actuellement en charge de la recherche à l’Institut de gestion publique et du développement économique du ministère de l’Économie, des Finances et de l’Emploi et du ministère du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique, et parallèlement professeur à l’Institut de management public et de gouvernance territoriale d’Aix-en-Provence. Ses travaux portent sur le pilotage stratégique des politiques publiques, la gestion de la performance, l’économie institutionnelle et les liens avec la philosophie politique. Courriel: claude.rochet@univ-cezanne.fr [18.119.111.9] Project MUSE (2024-04-26 06:30 GMT) Quelles capacités stratégiques pour les managers publics ? 239 Ce que l’infirmité du chef a, en soi, d’irrémédiable ne saurait être compensé par la valeur de l’institution. Charles de Gaulle, Mémoires d’espoir. INTRODUCTION Le titre de cet article contient en lui-même toute sa problématique dès lors qu’on le lit en français ou en francocanadien : l’Office québécois de la langue française retient «gestionnaires », tandis que l’Académie française valide « managers », terme d’origine française avant d’être anglicisé, mais avec une différence : les sciences de gestion du vieux pays auront tendance à réduire la gestion à l’administration des choses, aux tâches de comptabilité et d’organisation qui ne font pas appel à une réflexion strat égique sur les finalités de l’action, tandis que le manager est également en charge de choisir la stratégie pour parvenir à des buts. Le modèle d’administration publique dont nous avons hérité est celui de l’organisation rationnelle selon Max Weber, soit la recherche de l’efficacité, garantie par des procédures, séparant les faits des valeurs et voulant sauvegarder l’orthodoxie de la gestion publique des jugements de valeur des agents. Max Weber n’était pourtant pas Frederik Taylor. Son modèle ne pouvait se comprendre sans un autre idéal-type : celui du leader charismatique qui donne du sens à l’action publique. On ne peut pas, en outre, dire que Max Weber fut particulièrement satisfait du paysage ainsi décrit qui traduisait un désenchantement du monde où la mécanique administrative...

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