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C h ap i t r e LA NÉCESSAIRE ÉMERGENCE DES ENTREPRENEURS PUBLICS1 Luc Bernier Professeur École nationale d’administration publique Taïeb Hafsi Professeur HEC-Montréal Résumé Alors qu’on prétend le respect des règles essentiel dans le secteur public, on s’étonne d’y trouver des entrepreneurs. Pourtant, ce sont eux qui poussent l’innovation. L’entreprenariat doit être mis en contexte. Généralement, lorsque l’environnement est homogène et stable, l’entreprenariat public est de type classique, individuel et exceptionnel. Lorsque l’environnement est hétérogène et turbulent, l’entreprenariat public est plutôt systémique, ce qui veut dire qu’il n’est pas limité à un individu, mais concerne des équipes. Dans ce chapitre, en prenant des exemples canadiens, nous décrivons cette évolution. Pour que ces entrepreneurs puissent émerger, il faut penser des systèmes administratifs où il y a 1. Ce texte est une version remaniée de l’article publié par Luc BERNIER et Taïeb HAFSI sous le titre «Innovation et entrepreneurship dans la réforme du secteur public au Canada », Politiques et management public, 23 (mars 2005), p. 1-23. 184 Le métier de gestionnaire public suffisamment de marge de manœuvre (slack) pour qu’ils puissent y utiliser leurs capacités. Il faut donc des systèmes où on met l’accent sur le rendement et moins sur l’imputabilité. À propo s des a uteurs Luc Bernier est professeur titulaire d’analyse des politiques publiques à l’ENAP. Il a obtenu un doctorat en science politique de l’Université Northwestern en 1989. Il a ensuite enseigné à l’Université Concordia avant de devenir professeur à l’ENAP. Il a été président de l’Institut d’administration publique du Canada en 2005-2006 et directeur de l’enseignement et de la recherche à l’ENAP de 2001 à 2006. Ses travaux de recherche portent sur les entreprises publiques, les politiques publiques dans le domaine économique et international ainsi que les réformes administratives au Canada. Courriel : Luc_bernier@enap.ca Taïeb Hafsi est professeur titulaire de la Chair Walter J. Somers de Management stratégique international et enseigne la stratégie des organisations à l’École des Hautes Études commerciales de Montréal. Il a écrit de nombreux articles et livres sur les thèmes de la gestion stratégique et du changement en situation de complexit é. Il détient un diplôme d’ingénieur en génie chimique, une maîtrise en management de Sloan School at MIT, Cambridge, ainsi qu’un doctorat en administration des entreprises de la Harvard Business School. Courriel : Taieb.2.hafsi@hec.ca [3.137.187.233] Project MUSE (2024-04-18 09:19 GMT) La nécessaire émergence des entrepreneurs publics 185 INTRODUCTION En étudiant le secteur public, on constate de nombreux paradoxes. Parmi ceux-ci, le plus curieux est celui qui oppose la « bureaucratisation », associ ée à la mécanisation des comportements, à l’évitement du risque et à l’absence d’initiative, et des comportements particulièrement innovateurs et entrepreneuriaux. On a longtemps considéré que ce dernier type de comportement ne pouvait pas exister ou était un phénomène aberrant dans le système public, en particulier dans le système parlementaire où les initiatives doivent revenir officiellement aux ministres élus. Aux yeux des puristes de l’administration publique, le souci de l’équité et de l’imputabilit é, pour une gestion prudente des fonds du public, rend toute hardiesse suspecte. Le serviteur du public est surtout instruit à ne pas prendre de décisions qui risquent de faire du tort au patrimoine du public et à suivre les règles existantes auxquelles on ajoute de nouvelles réguli èrement. Selon les grands théoriciens de la bureaucratie, celle-ci fonctionne bien lorsque, les objectifs étant clairs, les fonctionnaires appliquent avec fidélité les règles établies. La théorie de la bureaucratie suppose une permanence et une stabilité qui, aujourd’hui, sont une illusion. Les objectifs ne sont clairs que pendant une courte période après leur établissement. Peu après, les changements dans l’environnement les remettent en cause. Jusque dans le dernier quart du XXe siècle, les théoriciens les plus avertis admettaient alors qu’on devait, au nom de la stabilité des règles du jeu, accepter ce décalage, un pis-aller inévitable, qu’on corrige de temps à autre. Les fonctionnaires , qui vivent les décalages que la vie génère...

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