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C H A P I T R E 1 LES MILITANTS DU CODE Stéphane Couture et Serge Proulx We need a story that can tie humans and nonhumans together without erasing the culturally and historically constituted differences among them. SUCHMAN, 2007, p. 270. 14 L’action communautaire québécoise à l’ère du numérique Dans le nord de Montréal, à quelques pas du métro Crémazie, une fraction politisée de militants du mouvement du logiciel libre a installé son quartier général. La Bande Passante1, appartement communautaire de l’ère numérique, est constituée de quatre hommes dans la trentaine, aux emplois précaires. Engagés dans la conception et la promotion de logiciels libres, ils ont aussi fait de leur résidence un lieu de travail pour les membres de Koumbit, un collectif de travailleurs du logiciel libre y ayant établi ses bureaux. Ailleurs à Montréal, le groupe Île sans fil – une association communautaire à but non lucratif – a construit un réseau d’accès sans fil gratuit donnant à ses usagers un accès libre à des informations publiques et des contenus culturels locaux. Les bénévoles de ce projet sont à l’origine du logiciel libre Wifidog, aujourd’hui utilisé dans plusieurs grandes villes du monde pour faciliter la création de réseaux similaires sans fil et communautaires. Plus au nord, dans la région des Hautes-Laurentides, des intervenants réunis autour du projet«Un Québec branché sur le monde», avec l’appui du ministère des Services gouvernementaux du Québec, réalisent une première expérimentation qui consiste à implémenter des technologies sans fil pour brancher à haut débit une centaine de foyers. Mobilisant différentes associations décrites dans ce livre – y compris des membres de notre équipe de recherche –, le projet «Un Québec branché sur le monde» souhaite«créer le plus grand chantier de connexion à Internet de l’histoire du Québec2 ». Assistons-nous à l’émergence de nouvelles formes de militantisme et d’action communautaire propres à l’ère du numérique? Ces nouvelles pratiques ne se retrouvent-elles pas en tension – voire en contradiction – avec les valeurs et pratiques des groupes investis depuis longtemps dans l’action communautaire au Québec? Que signi- fient pour l’avenir du Québec communautaire, ces nouvelles formes d’engagement ancrées d’abord dans des pratiques techniques? Ce livre présente des résultats et réflexions accumulées au cours de six années de recherche sur ces nouvelles formes de militantisme de l’ère numérique. À l’automne 2001, nous avions effectué une premi ère analyse des pratiques et des valeurs portées par les acteurs du logiciel libre. Parallèlement, à la fin 2001, nous avons créé à l’Universit é du Québec à Montréal le Laboratoire de communication médiatis ée par ordinateur (LabCMO) qui s’est voulu dès le départ un lieu d’expérimentation sociotechnique et de recherche avec le logiciel libre. D’une certaine manière, ce livre raconte l’histoire de ce Laboratoire: sa voix et son regard avec et au sein du milieu du libre. 1. (consulté le 28 janvier 2008). 2. (consulté le 8 octobre 2007). [3.144.172.115] Project MUSE (2024-04-24 08:57 GMT) Chapitre 1 Les militants du code 15 L’objectif de ce premier chapitre est d’exposer la problématique générale du livre. Nous proposerons d’abord une réflexion sur la politisation du code à partir de travaux sur la philosophie de la technique et sur l’innovation sociotechnique. Nous décrirons ensuite le mouvement du logiciel libre qui constitue le point d’ancrage de notre démarche. Nous insisterons plus particulièrement sur les acteurs davantage politisés du logiciel libre qui s’investissent dans les mouvements sociaux et les groupes communautaires. Nous poursuivrons en présentant plus précisément le milieu concerné par ce livre, de même que les relations de notre équipe de recherche avec ces acteurs de terrain. Nous conclurons nos propos par la présentation des enjeux qui seront analysés dans le corps du livre. 1.1. LA POLITISATION DU CODE Même si de nombreux travaux critiques en communication ont abandonné les approches déterministes, bon nombre de recherches tentant de saisir les relations entre technologie et démocratie continuent d’approcher les technologies sous un angle largement instrumental . Ils ne s’attardent que trop rarement au...

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