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ChapItre 4 Que retenir pour la gouverne de sa vie? L’œuvre de soi. Comment bel et bien vivre? Un temps pour Qohélet. Un temps pour Épicure. Un temps pour albert Camus. trois témoins de la condition humaine et de la vie sous le soleil. trois hommes qui témoignent éloquemment de l’envers et de l’endroit de la condition humaine. De ces trois témoignages, que retenir pour la gouverne de sa vie et ainsi parvenir à sculpter l’œuvre de soi, d’une belle et bonne manière, la plus lucide, libre et responsable possible? Quelle forme donner à sa vie? Certes, sa durée nous échappe, mais la qualité que nous pouvons imprimer à notre existence repose entièrement entre nos mains. L’être humain, une énigme? Qohélet attire l’attention sur le fait que l’être humain demeure et demeurera toujours une énigme pour quiconque s’applique à percer le mystère qui enveloppe son existence. C’est pure vanité que de prétendre avoir décrypté ou vouloir comprendre parfaitement ce mystère inaccessible aux mortels que nous sommes. L’esprit et le cœur seront toujours insatisfaits devant les tentatives d’explications qu’on pourra leur offrir pour 58 L’œuvre de soi les apaiser. Déchiffrer avec sagesse tout ce qui se passe sous le soleil, se plaît à répéter Qohélet, c’est un dur métier donné par Dieu pour occuper le fils de l’homme, un bien triste métier qui apporte son lot de déceptions. albert Camus écrit avec conviction: «Juger que la vie vaut ou ne vaut pas la peine d’être vécue, c’est répondre à la question fondamentale de la philosophie1.» L’auteur du Mythe de Sisyphe rejoint en partie Qohélet, en affirmant qu’il y a vraiment un malentendu entre les aspirations de l’être humain et le monde qui l’entoure, de telle sorte que la vie sous le soleil n’est pas «raisonnable». Le monde se révèle étranger à l’homme et à ses aspirations. en cela, Qohélet et Camus sont frères. tous deux s’efforcent de conquérir quelques parcelles de signification dans un monde qui se refuse à en dévoiler. «Ce qui manque à la douleur du monde, comme aux instants de bonheur, estime Camus, c’est le principe d’explication2.» toutefois, contrairement à Qohélet, Camus estime que le sens du monde n’est pas à rechercher ni au-dessus ni au-dessous de l’homme, mais à l’intérieur de l’être humain qui réclame la satisfaction de ses désirs de transparence et d’unité, alors que pour Qohélet Dieu seul en détient la clé. Épicure ne partage pas tout à fait les points de vue de Qohélet et de Camus à ce sujet. Il enseigne que cette «vanité» ou ce «malentendu » peuvent être surmontés. grâce à la pratique de la philosophie qui procure la juste connaissance de la nature, le sage peut se libérer des opinions fausses qui sont les principales causes des craintes et des douleurs qui accablent tout être humain et affectent la qualité de l’existence . encore faut-il s’entendre sur la juste connaissance de la nature et sur ce que cette connaissance peut véritablement apporter à quiconque s’emploie à déchiffrer l’énigme de la condition humaine. La mort La mort ou plutôt la perspective de la mort est omniprésente dans l’œuvre de ces trois auteurs qui adoptent face à elle des attitudes différentes. pour Qohélet, la mort soulève une question fondamentale et donne à l’existence humaine un caractère dramatique: «Quel intérêt a l’homme à toute la peine qu’il prend sous le soleil?» Face à la mort, il est inquiet, 1. albert CamUS, «Le mythe de Sisyphe», dans Essais, p. 99. 2. Idem, «L’homme révolté», dans Théâtre, récits, nouvelles, p. 508. [3.143.244.83] Project MUSE (2024-04-23 12:52 GMT) Que retenir pour la gouverne de sa vie? 59 bouleversé, animé par des pensées sombres et tristes qui affectent en grande partie son évaluation de l’existence humaine sous le soleil. homme de foi, il ne lui vient pas à l’esprit de se révolter contre Dieu qui impose un tel drame à l’humanité, mais il est déçu devant ce triste sort qui est imposé à tout homme comme à l’animal, qu’il soit bon ou méchant...

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