Pas de retraite pour l'engagement citoyen

AVANT-PROPOS

A V A N T P R O P O S DÉCONSTRUIRE LES REPRÉSENTATIONS SOCIALES NÉGATIVES Cet ouvrage fait suite à une journée d’échanges et de réflexion sur la place et le rôle des citoyens aînés dans notre société, tenue le 1er novembre 2005 à la Bibliothèque nationale du Québec. Nous avons été nombreux à nous mobiliser autour de cette thématique du vieillissement et de la citoyennet é, puisque ce symposium a réuni plus de 300 personnes issues des milieux universitaires et de la recherche, des milieux d’intervention publics et communautaires, des groupes de femmes et d’aînés. Ces citoyens et citoyennes, âgés de 21 ans à 97 ans, provenant de diverses régions du Québec, ont voulu répondre à notre invitation proposant d’aller à l’encontre des discours alarmistes sur le vieillissement et des représentations sociales négatives de plus en plus présents. L’actualité en fournit des exemples constamment, que l’on pense à la façon dont on pose les questions sociales et démographiques, notamment celles de la dénatalité et du prolongement de la vie, du très grand âge. Le phénomène du vieillissement est en effet presque toujours présenté comme une véritable menace. Ces messages, martelés de tout côté, tant par les différentes organisations politiques, les médias et même les milieux universitaires, ont beaucoup d’impact et contribuent à perpétuer les préjugés et les peurs autour du fait de vieillir. Ici comme ailleurs, les discours sociaux dominants sont âgistes et entretiennent, comme le résument deux chercheurs français, Puijalon et Trincaz dans leur ouvrage Le droit de vieillir (2000, p. 15), trois idées préconçues: «les vieux sont trop nombreux», «ils coûtent trop cher », « leurs valeurs sont dépassées ». Il se révèle ardu de désagréger ces préjugés, de les déconstruire. Les étudiants et les étudiantes sont généralement très surpris d’apprendre que les personnes de 65 ans et plus ne Michèle Charpentier et Anne Quéniart X PAS DE RETRAITE POUR L’ENGAGEMENT CITOYEN représentent que 13 % de la population québécoise, que seulement 4 % d’entre elles vivent en institution (en CHSLD) ; même étonnement quand ils constatent que ce sont 10 % des aînés du groupe d’âge 65-75 ans qui sont affectés par des incapacités graves ou très graves. En fait, si, au Québec, le vieillissement figure parmi l’un des plus rapides et des plus élevés au monde, il s’accompagne aussi d’une plus grande espérance de vie en bonne santé. Autrement dit, la vieillesse ouvre de nouvelles perspectives et pose de nouveaux défis sociaux. Elle n’est pas synonyme de maladie, de déclin ou de placement ! Ainsi, ce n’est pas la vieillesse qui est un problème social, mais bien la pauvreté, la maladie, l’exclusion, lesquelles ne sont pas l’apanage d’une seule catégorie d’âge. Nous tenons aussi dans cette introduction à nous distancier d’une autre tendance, plus récente mais tout aussi réductrice, qui consiste à polariser l’avance en âge en deux stéréotypes : celui des jeunes vieux, battants, dont on vante les agendas chargés et les performances athlétiques – un stigmate qui entretient le mythe ou l’image de la jeunesse et de la productivité ad vitam æternam ; et à l’opposé, celui des vieux vieux, dont on plaint la perte d’autonomie et l’oisiveté – un stigmate qui accentue la fragilité et l’image catastrophique du déclin – voire du fardeau social. Certains travaux de recherche menés auprès des personnes très âgées et en perte d’autonomie, soit celles qui vivent en résidence et en centre d’hébergement, démontrent qu’on ne saurait les définir uniquement comme des usagers, des bénéficiaires, des personnes dépendantes et passives mais bien aussi comme de citoyens agissant et modulant leur expérience de vie (Charpentier et Soulières, 2006). REPENSER LA RETRAITE ET LA CITOYENNETÉ À l’encontre de ces discours dominants réducteurs, nous voulons, par ce livre, poser un regard renouvelé sur le vieillissement et questionner nos conceptions de la retraite et de la participation citoyenne, à la lumière des réalités plurielles et actuelles...