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C H A P I T R E 5 QUAND LA MILITANCE NE BAT PAS EN RETRAITE Femmes aînées, engagement social et solidarité Michèle Charpentier Université du Québec à Montréal avec la collaboration de Fanny Jolicœur et Anne Quéniart La militance est souvent associée d’emblée à la jeunesse, au mouvement étudiant, parfois aux travailleurs et aux luttes syndicales, rarement aux personnes âgées et encore moins aux femmes aînées. Pourtant, dans l’histoire du Québec contemporain, plusieurs femmes avançant en âge ont fait figures de militantes, de pionnières et même d’héroïnes. Pensons aux Idola St-Jean, Thérèse Casgrain, Simone Monet-Chartrand, Madeleine Parent, Léa Roback. Ces militantes de la première heure ont ouvert la voie aux suivantes, à des milliers d’autres femmes moins visibles. Ainsi, à l’instar de Guillemard (2002), qui a réactualisé sa pensée sur les conduites de retraite pour introduire un modèle dit de « retraite solidaire », nous posons l’hypoth èse qu’un nombre important de femmes aînées exercent une citoyennet é active, engagée et méconnue. Nous avons donc entrepris un projet de recherche pour aller à la rencontre de ces citoyennes qui n’ont pas mis leur engagement à la retraite et qui, au-delà de 65 ans, militent au sein de divers groupes sociaux. Qui sont ces aînées engagées ? Quels sont leurs trajectoires d’engagement, leurs pratiques actuelles et le sens que revêt pour elles la militance ? Voilà les questions qui animent nos travaux et dont nous venons partager ici les éléments de réponse et de réflexion. 104 PAS DE RETRAITE POUR L’ENGAGEMENT CITOYEN 1. LA PLACE DES FEMMES AÎNÉES DANS LA SOCIÉTÉ Pourquoi cet intérêt pour la participation citoyenne des femmes retraitées ? La réponse en est essentiellement une de pertinence sociale et scientifique. La question de la place et du rôle des femmes aînées dans notre société se pose avec une acuité particulière : 1) en raison de leur nombre, la vieillesse est davantage un monde de femmes, et 2) de la double discrimination dont elles sont victimes, le sexisme et l’âgisme. En effet, au fur et à mesure que la population vieillit, elle se féminise, et ce, dans une proportion atteignant près de 2 femmes pour 1 homme chez les 75 ans et plus, et de 5 pour 1 chez les centenaires (Statistique Canada, 2002). Les femmes âgées formant la très grande majorité des citoyens âgés, il devient impérieux dans nos sociétés démocratiques de s’intéresser à la place qu’elles occupent dans l’espace public. Or, la recherche et la littérature féministes ont clairement démontré que le genre conditionne les rapports au social et au politique et que la participation citoyenne des femmes se heurtent à de nombreux obstacles (Quéniart et Lamoureux, 2003 ; Cohen, 2000 ; Tremblay, 1999). Par contre, tout en dénonçant l’inégalité d’accès, voire l’exclusion historique des femmes de la sphère politique traditionnelle, les études récentes révèlent qu’elles auraient davantage investi d’autres lieux, tels les mouvements sociaux (Tremblay, 1999). À ces considérations s’ajoute la réalité différentielle du vieillissement au féminin et au masculin : plus forte prévalence de l’habitat en solo, de la pauvreté, des responsabilités de soins « d’aidantes naturelles», etc. (Estes, 2001; Quadagno, 1999; Charpentier, 1995). Les préjugés véhiculés à l’égard des femmes vieillissantes sont aussi particulièrement négatifs et en font trop souvent des citoyennes plus ou moins intéressantes, dépendantes et dépréciées (Kérisit, 2000 ; Charpentier, 1995). On peut affirmer que les femmes âgées constituent encore aujourd’hui un groupe social sous-représenté et trop souvent négligé dans les écrits et la littérature scientifique, comme l’avait dénoncé Burwell en 1985 et Ray en 1999. En tant que femmes et chercheuses, concernées par les représentations négatives et dominantes des femmes aînées, nous avons donc voulu donner la parole à des militantes « aux cheveux blancs » pour qu’elles nous parlent de leurs trajectoires de vie, de leur passion et de leur engagement social. 2. L’ENGAGEMENT SOCIAL: UN CONCEPT EN VOGUE L’engagement...

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