Organisation communautaire: Fondements, approches et champs de pratique

Chapitre 3 : Le développement des communautés aujourd'hui au Québec / essai d’analyse politique

C H A P I T R E 3 LE DÉVELOPPEMENT DES COMMUNAUTÉS AUJOURD’HUI AU QUÉBEC Essai d’analyse politique Louis Favreau Université du Québec en Outaouais louis.favreau@uqo.ca Gérald Larose Université du Québec à Montréal larose.gerald@uqam.ca Les deux chapitres précédents ont permis de définir les fondements théoriques (les approches d’intervention, notamment) et le cheminement historique de l’organisation communautaire au Québec. Il en est ressorti que diverses influences s’exercent sur celle-ci : le niveau et le type de développement, la dynamique des mouvements sociaux, les politiques sociales, l’organisation du système de santé et de services sociaux, l’organisme-employeur, les courants de pensée et la nature même de la communaut é. On comprend alors pourquoi l’itinéraire de l’organisation communautaire professionnelle a ses spécificités1 . Il convient cependant d’inscrire le travail de cette profession du « social » au sein d’une mouvance plus générale, celle de son environnement privilégié qui est celui des mouvements sociaux locaux et de leur apport au développement des communautés. On pense ici au mouvement associatif mais aussi 1. Voir la description de Comeau et Favreau au chapitre 2 du présent ouvrage : « L’organisation communautaire au Québec : itinéraire d’une pratique sociale devenue une profession ». 42 L’organisation communautaire – fondements, approches et champs de pratique au mouvement coopératif, au mouvement écologique et au syndicalisme. Ce fil conducteur utilise l’analyse sociopolitique, c’est-à-dire la mise en rapport des initiatives issues des communautés locales avec les différents mouvements et les pouvoirs publics dans la perspective du développement (ou non) de la démocratie tant au plan local qu’international. 3.1. ORGANISATION COMMUNAUTAIRE ET MOUVEMENTS SOCIAUX AU QUÉBEC DE 1960 À AUJOURD’HUI 3.1.1. Une première décennie d’émergence de contre-pouvoirs locaux La naissance de comités de citoyens est concomitante à celle d’un nouveau métier du« social », l’organisation communautaire. À la fin des années 1960, l’organisation communautaire s’introduit dans la formation universitaire en travail social, dans les pratiques et les nouveaux services créés par le mouvement communautaire (les cliniques communautaires de santé en sont un exemple) et, finalement, dans le service public de la santé et des services sociaux (tout particulièrement les CLSC)2 . À cette « petite révolution tranquille » se jouxte celle de la séparation définitive de l’Église et de l’État et donc le détachement progressif des mouvements sociaux locaux des institutions caritatives (les Fédérations d’œuvres de charité par exemple) et des paroisses œuvrant dans le secteur social (McGraw, 1978). Les réformes de l’époque introduiront de nouveaux dispositifs publics (ou parapublics) d’intervention tels les conseils de développement social et les conseils régionaux de développement. Avec les années 1960, le mouvement communautaire (dit autonome aujourd’hui) fait son entrée en scène. Indirectement, c’est celui-ci qui favorisera la professionnalisation de nombre de ces animateurs qui intégreront en partie, avec les années 1970, le service public (dans les CLSC notamment). Mais celui-ci aura surtout favorisé l’émergence de contre-pouvoirs au plan local. 3.1.2. Une seconde génération : la montée de l’associatif dans l’organisation des communautés Au cours des années 1970, certains intervenants sociaux deviennent des salariés d’associations de locataires, d’organismes de défense d’assistés sociaux ou de protection des consommateurs, de garderies populaires et des groupes de défense des chômeurs... Ils 2. Pour suivre l’actualité de l’organisation communautaire en CLSC, voir le bulletin du RQIIAC, Interaction communautaire. Le développement des communautés aujourd’hui au Québec 43 disposent d’ailleurs de sources d’inspiration de facture internationale : dans un premier temps, plusieurs d’entre eux ont les yeux rivés sur l’organisation communautaire américaine d’orientation conflictuelle (Alinsky, 1976). Dans un second temps, d’autres partiront à la recherche de « la voie royale» de la transformation sociale en se mettant en quête d’un projet de société socialiste. Certains trouvent inspiration dans l’approche de conscientisation latino-américaine (Freire, 1974). Contexte de la période : un État-providence en expansion...