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PRÉFACE Louise Poissant Doyenne de la faculté des arts de l’Université du Québec à Montréal et directrice du Centre interuniversitaire des arts médiatiques On connaît l’influence qu’a eu Adorno, célébrant le caractère énigmatique de l’œuvre d’art qui fuit devant l’interprète, disait-il, comme s’évanouit l’arc-en-ciel devant le promeneur. Cette position a découragé et refroidi bien des penseurs dont les démarches visaient à questionner le sens de l’entreprise artistique et de l’œuvre d’art. Et si certains (Gombrich, Manzini, Debray, de Mèredieu) se sont appliqués à démystifier les pratiques picturales et sculpturales en décrivant les procédés et les techniques, les tentatives d’interprétation telles qu’on les menait jusque dans les années 1970 ont été critiquées et disqualifiées: inféod ées à une théorie ou à une idéologie, elles se réduisaient à reproduire l’appareil qui les engendrait. Or, malgré ce constat lucide, certes, mais déprimant, une réaction toute simple s’impose en présence d’une œuvre authentique: Comment «cet imprévisible rien qui est le tout de l’œuvre d’art», disait Bergson, est-il possible? Comment a-t-on pu recouvrir ces grottes de bisons et de chevaux? Comment peut-on encore, aujourd’hui, produire une installation originale, poétique, sensible? Les réponses varient, et si l’on se réfugie encore parfois derrière le génie ou la chance, c’est dans un esprit plus prosaïque que l’on semble avoir trouvé de nouvelles pistes permettant de renouveler la réflexion. C’est en amont de la création que certains ont choisi d’aborder cette question par le biais d’un nouveau type d’investigation portant sur les méthodologies prescriptives, exploratoires, inductives, a posteriori, etc. Diverses tentatives visent en effet à nommer et à décrire ce qui préside au cheminement de l’artiste: la portée de la théorie dorénavant de plus en plus présente, sédimentée dans les œuvres; l’incidence de la technique et des contingences matérielles; le jeu des facultés et les dispositions mises en œuvre; les contextes sociaux et culturels, voire les habitudes et les stimulants favorisant la création; le rôle du hasard et de l’erreur; la place déterminante du spectateur et du réseau de diffusion des œuvres. À ces éléments qui président à la création, il faut aussi ajouter la part de recherche existant dans chaque démarche artistique . Séduits par la magie de l’œuvre, on oublie souvent que Leonardo et Michelange étaient chimistes, ingénieurs et philosophes à leurs heures. Et la recherche, qu’elle porte sur les matériaux, les techniques et les savoir-faire, ou sur les idées et les thèmes cristallisés dans l’œuvre, impose aussi ses contraintes et procédures qui en s’ajoutant orientent le déroulement de la création. Et si cette dernière a toujours requis une part de recherche, ce n’est que tout récemment que l’on accepte de les considérer conjointement, dans un mouvement d’interpénétration continu se servant l’une et l’autre de levain. La recherche nourrit la création, qui à son tour fait monter la recherche. Art et sciences se rapprochent ainsi, comme ce fut rarement le cas dans l’histoire. Plus que jamais, les artistes consomment et produisent de la recherche, tout comme les scientifiques visent à émailler leur parcours de moments exaltants de découverte et de création. Ces rapprochements entre arts et sciences étant dans l’air du temps, ils ont sans doute contribué à la réflexion méthodologique introduite en art, même si les attentes sont de nature différente. L’un des critères de la validation scientifique repose en effet sur la reproductibilité de l’expérience , ce qui contraint à consigner pas à pas chacune des étapes de la démarche, du développement de l’axiome aux conditions de réalisation de l’expérience. Cela explique aussi les multiples contrôles et contre-expertises. En art, les attentes sont tout autres puisqu’il s’agit, précisément, de produire une œuvre dont le processus reste étonnant, énigmatique. On peut, par approximations, tenter d’en saisir et d’en décrire des dimensions, mais on sait bien que, quel que soit le...

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