Recherche création: Pour une compréhension de la recherche en pratique artistique

6. La science de l’art / l’art de la science : une synergie propre à un nouvel esprit scientifique en recherche création

L A R E C H E R C H E C R É AT I O N Préoccupations épistémologiques De la relation à la recherche création La science de l’art / l’art de la science Une synergie propre à un nouvel esprit scientifique en recherche création Yvonne Laflamme, comédienne, étudiante Doctorat en études et pratiques des arts Université du Québec à Montréal La réflexion que propose le thème de cet ouvrage sur la nécessité d’une méthodologie propre à répondre aux besoins particuliers de la recherche création en milieu universitaire m’incite d’abord à réfléchir sur la probl ématique de la relation entre recherche et création. La nature paradoxale de cette relation pose problème dans un milieu où les critères de recherche sont basés sur les principes propres à la pensée classique occidentale , porteuse de l’idée que la valeur de la recherche, qu’elle soit scientifique ou universitaire, dépend de l’objectivité du sujet par rapport à son objet et que toute approche qui ne répond pas à ces critères ne peut avoir de valeur pour l’avancement des connaissances. Quelle que soit sa pratique, l’artiste qui porte son intérêt vers l’investigation de sa propre démarche créatrice s’engage dans un exercice intellectuel particulièrement complexe où il est, dans le cours de son action cognitive, sujet et objet de sa recherche. Cette problématique 6. 66 | LA RECHERCHE CRÉATION apparaît d’une façon cruciale dans la pratique des arts de l’interprétation dramatique, la danse, le chant et le jeu d’acteur, où l’artiste interprète est un sujet s’observant en tant qu’objet perfectible. La formation artistique prépare peu l’artiste à la réflexion dans l’action et au retour réflexif nécessaire à l’observation objective de ses conduites cognitives et de ses comportements psychoaffectifs dans le cours de ses performances artistiques de quelque nature qu’elles soient. Il m’apparaît donc essentiel pour l’artiste chercheur d’acquérir des connaissances théoriques et de développer des habiletés pratiques, propres à l’objectivation de l’auto-observation, afin d’acqu érir et de traduire avec cohérence un penser théorique conforme au niveau universitaire. Une première étape dans la quête de connaissances objectives sur la relation problématique entre le chercheur et son objet de recherche consiste à étudier la nature de l’objectivité et de la subjectivité, ainsi que l’incidence de leur interrelation en recherche en général et en recherche création en particulier. Il s’agit donc, en première partie, d’amorcer une revue de différents auteurs qui ont remis en question la problématique de l’influence de la subjectivité du chercheur sur l’objet observé, de même que les limites de la pensée classique pour une recherche de solution à ce problème. Je tente aussi de montrer la contribution de ces auteurs à la redéfinition de la pensée scientifique par une mise en relation de certaines de leurs réflexions afin de saisir la complémentarité de la pensée classique et de la pensée complexe comme facteur de solution à cette problématique. En deuxième partie, il sera question de l’apport de la philosophie orientale à la réflexion sur les limites de la pensée classique et sur la valeur de la pensée complexe pour la recherche de solutions à la problématique de la recherche création. La science de l’art / l’art de la science | 67 Yvonne Laflamme | Contribution à la remise en question du rôle de la subjectivité dans la recherche scientifique au cours du XXe siècle Contribution piagétienne à la problématique de la relation entre «sujet égocentrique» et «sujet épistémique» dans la recherche d’une objectivation de nature scientifique Dans L’épistémologie génétique, Piaget (1970a) souligne que l’objectivité est un processus et non pas un état, et que sa conquête est difficile par le fait que «le sujet, ne connaissant le réel qu’à travers ses actions (et non pas seulement ses perceptions), l’objectivité suppose une décentration» du sujet lui-même. Pour ce faire, le sujet doit ordonner «en premier lieu ses actions sous les espèces...