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1. La réforme de l'université dans la France médiévale : acteurs, enjeux, moyens
- Presses de l'Université du Québec
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La réforme de l’université dans la France médiévale: acteurs, enjeux, moyens 1 Jacques Verger La logique d’un tel sujet voudrait que l’on commence par donner une définition claire de la notion de réforme universitaire au Moyen Âge et par dresser l’inventaire des réformes attestées dans la documentation conservée. En fait, dans les deux cas, la tâche se révèle presque impossible à mener à bien en toute rigueur. La réforme est en effet omniprésente dans les universités médiévales et donc, en réalité, diffuse et presque insaisissable. Parfois dès l’origine, et tout au long de leur histoire, les universités médiévales se sont ou ont été «réformées». De manière quasi constante, ces universités – ou telle ou telle de leurs composantes (faculté, nation) – ont adopté ou reçu de nouveaux statuts, statuts le plus souvent partiels, ne portant que sur un point de détail ou visant à régler tel ou tel problème ponctuel. Les autorités universitaires déploraient périodiquement cette effrenata multitudo statutorum2, source d’innombrables confusions, contradictions , oublis, d’autant plus inévitables que l’adoption de nouveaux statuts ne s’accompagnait que rarement de l’abrogation explicite des statuts antérieurs. Mais rien ne semblait pouvoir tarir cette frénésie réglementaire . Or la plupart de ces nouveaux statuts, quelque mince qu’en fût . Les statuts que nous utiliserons dans le présent texte ont tous été publiés ou cités, pour Paris, dans le Chartularium Universitatis Parisiensis, éd. par H. denifle et É. Châtelain, 4 t., Paris, 889-897 (désormais cité sous la forme abrégée CUP, I à IV) et pour les autres universités dans M. fournier, Les statuts et privilèges des universités françaises depuis leur fondation jusqu’en 1789, t. I à III, Paris, 1890-1892 (désormais cité sous la forme abrégée fournier, I à III). 2. Selon la formule contenue dans un statut de la nation picarde de l’université de Paris en 1340 (CUP, II, no 1067). 2 Chapitre l’objet, étaient présentés comme des statuts de «réforme». Et en vérité, le latin des textes universitaires n’a même pas cette précision. Reformare et reformatio y sont certes d’usage fréquent, mais très souvent associés à – ou remplacés par – d’autres mots quasiment synonymes pour les rédacteurs médiévaux de statuts: addere, diminuere, corrigere, declarare, interpretare, tollere, immutare, supplere, dispensare, etc.3. Il est cependant possible, à défaut d’établir un corpus bien délimit é, d’isoler quelques ensembles de statuts d’une certaine ampleur que les textes eux-mêmes qualifient de «réformations générales». Leur relative importance, la solennité qui paraît avoir généralement présidé à leur rédaction et à leur publication, les intentions explicitement réformatrices affirmées dans leurs préambules semblent en faire une catégorie à part, perçue comme telle par les contemporains. C’est donc sur ces textes que nous concentrerons notre attention dans cette communication. Il faut cependant tout de suite préciser que les «réformations générales » elles-mêmes ne relèvent pas d’une définition rigoureuse. Il en est qui, malgré leur intitulé, ne portent en fait que sur des points particuliers et ne sont donc guère plus «générales» que d’autres statuts qui ne prétendent point à cette qualité. À l’inverse, on le verra plus bas, on trouve parfois, à côté des «réformations générales» promulguées en bloc, en un seul texte solennel, des séries de statuts particuliers qui, adoptés en un laps de temps assez bref, finissent par constituer un corpus équivalent à une réformation générale. Enfin, il est parfois difficile de distinguer statuts de réforme et nova statuta dont se dote, au bout de quelques années ou de quelques décennies, une université ou une faculté d’apparition récente et ayant vécu jusqu’alors sous le régime de statuts embryonnaires, aujourd’hui perdus, ou de pratiques coutumières, non consignées; mais le premier corpus détaillé de statuts rédigés peut très bien avoir été non pas simple mise en forme, mais déjà «réforme», et parfois même assez radicale, de ces pratiques ant...