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7. SEXUALITÉ ET DYSFONCTION SEXUELLE
- Presses de l'Université du Québec
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C H A P I T R E 7 SEXUALITÉ ET DYSFONCTION SEXUELLE Sophie Bergeron, Nili Benazon, Mélanie Jodoin et Mélanie Brousseau Selon un vieil adage, la sexualité contribue pour environ 10% à la satisfaction d’un couple heureux, mais pour 90% à l’insatisfaction d’un couple malheureux. Cette image n’est pas loin de la réalité. La sexualité favorise la cohésion du couple, augmente l’intimité et permet de réduire les tensions (McCarthy, 2002). Quand elle est inexistante – ce qui est le cas dans 20% des couples mariés et 30% des couples qui cohabitent ensemble (Michael, Gagnon, Laumann et Kolata, 1994) – ou problématique, elle peut devenir source de frustration, de conflit, voire de séparation. Malgré la prépondérance de contenu à caractère sexuel dans les médias québécois et nord-américains, et une apparence de progrès dans notre rapport à la sexualité, la prévalence des dysfonctions sexuelles n’a pas diminué depuis la publication des rapports Kinsey sur la sexualité masculine et féminine à l’aube des années cinquante (Kinsey, 362 MANUEL CLINIQUE DES PSYCHOTHÉRAPIES DE COUPLE Pomeroy et Martin, 1948; Kinsey, Pomeroy, Martin et Gebhart, 1953). Selon la vaste étude épidémiologique menée par Laumann, Paik et Rosen (1999), 42% des femmes et 30% des hommes âgés de 18 à 59 ans souffriraient d’une dysfonction sexuelle. Tout porte à croire que ces chiffres vont en augmentant chez les individus de plus de 59 ans, puisque la fonction sexuelle tend à se détériorer avec l’âge. Pourtant, la sexualité demeure un élément encore négligé en thérapie de couple, et une majorité de thérapeutes omettent d’aborder cette dimension fondamentale de la relation conjugale. Le présent chapitre couvrira: 1) une brève histoire de la sexothérapie conjugale; 2) les dysfonctions sexuelles ainsi que leur prévalence, leur étiologie et leurs principaux traitements; 3) la description clinique et le traitement de la sexualité atypique; 4) le processus d’évaluation des troubles sexuels; 5) les principales stratégies d’intervention; 6) les obstacles rencontrés en sexothérapie de couple de même que des pistes de solution ; enfin, 7) l’une des tendances majeures dans le traitement des dysfonctions sexuelles aujourd’hui et son impact sur la thérapie de couple, soit la médicalisation de la sexualité. 1. BRÈVE HISTOIRE DE LA SEXOTHÉRAPIE CONJUGALE 1.1. Les fondateurs: Masters et Johnson Avant la publication des ouvrages de Masters et Johnson (1966, 1970), les psychologues conceptualisaient les troubles sexuels comme étant le reflet de psychopathologies et de conflits intrapsychiques qui nécessitaient des thérapies individuelles de longue durée. Ainsi, on observait une influence prédominante de l’approche psychanalytique. Les recherches pionnières de Masters et Johnson et leur modèle de thérapie intensive ont donné lieu au développement de sexothérapies comportementales beaucoup plus brèves et directives que les thérapies psychodynamiques. Un point important qui ressort de leurs travaux et qui a inspiré les modèles contemporains de sexothérapie conjugale est qu’un fonctionnement sexuel problématique peut être rétabli grâce à l’apprentissage d’habiletés spécifiques et d’un plus grand confort vis-à-vis la sexualité (McCarthy, 2002). De plus, Masters et Johnson concevaient le couple comme étant le client et traitaient toujours les deux membres du couple, quoique de façon individuelle. Cependant, du point de vue de la conceptualisation théorique des dysfonctions sexuelles, ils mettaient l’accent sur des facteurs étiologiques individuels tels que l’anxiété de performance et les croyances religieuses, par opposition à des facteurs relationnels. Vers le début des années 1980, la communauté sexologique a pris conscience que les thérapies comportementales ne venaient pas à bout de tous les problèmes sexuels, en particulier les troubles du désir. Par exemple, une étude prospective de DeAmicis et al. (1985) effectuée auprès de 38 couples traités pour dysfonctions sexuelles pendant 15 à 20 séances a démontré qu’au suivi de trois mois posttraitement, les couples aux [34.206.64.143] Project MUSE (2024-03-29 06:48 GMT) SEXUALITÉ ET DYSFONCTION SEXUELLE 363 prises avec une baisse de désir ne présentaient aucun changement quant à la fréquence des relations sexuelles. Ainsi, peu à peu, il est devenu apparent que des facteurs d’ordre dyadique jouaient un rôle...