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Dynamique de citoyenneté forcée et échelle de pouvoir Au Québec, les municipalités mises en fusion. Lecture croisée de Jürgen Habermas et de Robert Castel. Pierre-W. Boudreault Université du Québec à Chicoutimi CHAPITRE 3«Trouvez le présent dans le passé, et vous comprendrez le monde». À la suite des «fusions forcées» de municipalités urbaines et rurales des grandes régions au Québec en vastes agglomérations urbaines (métapoles), un regain d’intérêt pour la chose municipale s’est transformé en affrontements politiques qui ont dépassé les limites des droits civiques. Un an après les«fusions forcées» parce que dites non démocratiques, n’ayant pas fait l’objet de consultation électorale, le parti souverainiste a été battu aux élections de 2003 par le parti adverse qui promettait la «défusion» et en soulignant fortement un renforcement de l’allégeance aux principes fédéralistes. Tel que promis, le Parti libéral provincial réalisa la partition de la fusion réalisée par le gouvernement précédent, et notamment Montréal connut une séparation entre les villes à majorité anglophone et les autres. Le propos de ce texte est de s’interroger sur la place de la ville par rapport à la région dans la redéfinition de la légitimité démocratique et ce, au moment où la globalisation économique, la compétition internationale entre grands groupes industriels, la mise en place d’organes supranationaux de décisions, l’affaiblissement des États-nations remettent en question les fondements régionaux sur lesquels s’est constitué l’État moderne au Québec. Comment l’effervescence politique des opposants à la fusion pose la question de l’importance de l’imaginaire collectif et des représentations symboliques de l’espace dans le contexte accéléré de désindustrialisation et d’affaiblissement du pouvoir des régions, notamment des régions éloignées. 1. LE CADRE CONCEPTUEL, LE MUNICIPIUM ET LA COMMUNIA L’Antiquité est urbaine par la dominance de la monarchie, le Moyen Âge rural avec la prégnance des seigneuries, et la modernité métropolitaine sous l’emprise des marchands et du commerce international. La ville est donc une entité politique antérieure à l’État occidental moderne, la commune naît contre l’État, comme le rappelle Stephan Jonas (Bourdin et Hirschhorn, 1985, p. 35-39). Il faut aussi se rappeler les réflexions sur les fondements sociopolitiques des villes effectuées par Max Weber sur La ville où il signale notamment que le municipium désignait, chez les Romains, «la ville soumise à Rome mais se gouvernant par ses propres lois», et que celle-ci se caractérisait par son «indépendance politique de facto non légitimée par le pouvoir central» et que plus tard, la communia contenait «l’association de bourgeois d’une même localité jouissant du droit de se gouverner eux-mêmes, s’étant structurée selon des règles particulières fut le résultat d’une alliance entre groupes (bourgeois, corporations d’artisans, fraternités, marchands ou rentiers citadins) fondue dans une fraternisation. Pour Weber, la ville historique était un «lieu de fraternisation communautaire fondée sur le serment», et ces fraternisations favorisaient des relations de «sociations» scellées au moyen soit d’un compromis, soit par une entente, soit par une coordination, consacrés par la « conjuration », comme le souligne fortement Jonas (Bourdin et Hirschhorn, 1985, p. 40 et suite). Enfin, cet écrit de Max Weber:«En définitive , le concept de “commune” est né dans l’Antiquité, par opposition à celui “d’État”:celui-ci, bien sûr par incorporation des cités dans le grand état grec ou romain; celle-là au contraire en prenant son indépendance politique» (1947,1982, p. 58). Mutatis mutandis, les villes se sont érigées au Québec en marquant leur autonomie par rapport aux entités rurales issues de la tenure seigneuriale abolie seulement en 1854. Pas si loin de nous, jusqu’à la bien nommée Révolution tranquille de 1960, l’État québécois trouvait ses appuis politiques sur le vote des gens de la campagne, alors que dès 1921 la population urbaine dépassait la population rurale. Dans ce phénomène, il ne s’agissait pas seulement de souligner l’avènement d’une distance culturelle entre la ville et la campagne, une urbanité contre une ruralité, pas plus que l’affirmation...

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