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CHAPITRE 9 Mobilisations citoyennes et politique globale Les forums mondiaux:creuset d’une citoyenneté transnationale ou idéologie de légitimation? Simon Perrault, Raphaël Canet et Jules Duchastel1 Université de Montréal La critique sociale inhérente au processus de globalisation néolibérale impose de démocratiser la gouvernance mondiale. La question qui apparaît alors est la suivante:à l’ère globale, dans quel espace démocratique convient-il d’agir? Avec l’irruption d’un nombre croissant d’acteurs émancipés des espaces classiques de l’agir politique, qui mobilisent des identités particulières regroupées en de grandes catégories englobantes (société civile, secteur privé), il semblerait que nous assistions aujourd’hui au dépassement de l’individualisme démocratique qui fondait la démocratie représentative, moderne et nationale, et à l’émergence d’une citoyenneté incorporée (Bourque, Duchastel et Pineault, 1999) légitimant une démocratie participative promue aux échelles glocales, savant néologisme permettant de caractériser le redéploiement de l’action collective au-delà (global) et en deça (local) du territoire national (Robertson, 1995). L’avènement de la gouvernance mondiale remet non seulement en question le dogme de la souveraineté exclusive de l’État national territorialisé, en faisant la promotion, au niveau supranational comme intranational , du dialogue et du partenariat multiacteurs sur les décombres de la sacro-sainte frontière entre les domaines privé et public, elle entraîne aussi une redéfinition des motifs, des formes mais aussi des lieux de la mobilisation citoyenne. 1. Chaire de recherche du Canada en Mondialisation, Citoyenneté et Démocratie, Université du Québec à Montréal. 178 Génies des lieux Nous pouvons appréhender la conception classique de la citoyenneté selon une triple dimension (Schnapper, 2000). Tout d’abord, la citoyenneté circonscrit un espace juridique formé de droits et de devoirs. Ensuite, elle constitue le principe de la légitimité politique dans les régimes démocratiques . Enfin, elle se trouve à la source du lien social dans les sociétés reposant sur une base essentiellement profane. ÉTAT Légitimité politique CITOYENNETÉ Espace juridique Lien social INDIVIDU SOCIÉTÉ Cela signifie, en d’autres mots, que le citoyen est à la fois sujet de droits (il évolue dans un espace de libertés et d’obligations déterminé par la loi), détenteur d’une portion de souveraineté (il a la capacité d’agir sur le pouvoir politique) et membre d’une communauté politique (il fait partie d’une communaut é de citoyens égaux devant la loi et porteurs d’un projet global de société). Or, l’essor de la globalisation néolibérale a miné les liens politiques et sociaux inhérents à la conception classique de la citoyenneté du fait de la perte de légitimité de l’État national, d’une part, et du repli de l’emprise collective dans le processus d’égalisation des conditions, d’autre part. Ne subsiste véritablement que le lien juridique réduisant la citoyenneté à un ensemble technique de droits et de devoirs et qui, pris isolément, conduit à une logique de fragmentation de la communauté politique. Dans cette perspective, s’il devient impératif, comme nous y invite Beck (Beck, 2003), de nous émanciper du nationalisme méthodologique et de concevoir la chose publique dans le cadre d’une politique intérieure mondiale, comment nous y prendre sans faire l’économie de la légitimité démocratique du pouvoir? Comment faire pour que le défi de la démocratisation de la gouvernance mondiale n’apparaisse pas comme une aporie? [3.15.229.164] Project MUSE (2024-04-26 10:18 GMT) Nous n’avons malheureusement pas de réponse miracle à ce problème fondamental. Nous nous proposons cependant d’explorer une piste, celle des forums mondiaux, afin de voir en quoi ces phénomènes relativement récents peuvent fournir quelques éléments de réflexion féconds sur le devenir du politique. Ces innovations politiques peuvent-elles devenir le foyer d’une citoyenneté transnationale qui permettrait de faire contrepoids au processus de mondialisation néolibérale? Doivent-elles, dans une perspective plus pessimiste, être considérées comme des chimères ne visant qu’à renforcer l’idéologie de légitimation d’un système global en mal de responsabilité sociale? Alors que les acteurs se multiplient sur la scène mondiale, nous assistons parallèlement à une prolifération des forums, ces lieux de rassemblement qui visent une...

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