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1 13 3 Chapitre L’écotourisme rattrapé par le marché Jacques Perret Chercheur, Cemagref de Grenoble 376 L’écotourisme entre l’arbre et l’écorce Résumé Le durable est devenu le sésame des bonnes pratiques touristiques. Dans les régions rurales et montagnardes, l’écotourisme est en première ligne. Il représente l’archétype du tourisme doux, respectueux, intelligent. Qu’en est-il réellement ? La communication portera sur trois niveaux d’analyse : 1) Sur le plan spatial, l’écotourisme peut se diffuser partout, au risque d’entraîner une patrimonialisation et une mise en scène des cultures locales. 2) Sur le plan commercial, l’écotourisme est porté par la demande d’un segment très restreint de la clientèle, correspondant à une population à fort capital culturel. 3) Quant à l’organisation de l’offre, l’écotourisme est l’objet d’une rationalisation qui tend à normaliser les produits originaux. Ces constats appellent deux types de réflexion : 1) Cette forme de tourisme représentait une renouveau dans les pratiques touristiques par la qualité des relations qu’elle supposait autant sur le plan social qu’environnemental . Or, il semble qu’elle soit devenue un modèle banalisé et préconis é par tous les experts qui conseillent les décideurs. La loi du marché et les techniciens de l’aménagement ont-ils eu raison de toutes ces pratiques ? Ou d’autres formes d’écotourisme, loin des modèles, existentelles toujours ? 2) Les produits touristiques ont toujours été inventés par une élite culturelle soucieuse de distinction, puis démocratisés ensuite, par effet de mode, d’imitation, de promotion. L’écotourisme peut-il conna ître cette destinée au risque de se dénaturer, ou des garde-fous sontils posés pour limiter cette pratique à des initiés ? [3.144.212.145] Project MUSE (2024-04-25 15:14 GMT) L’écotourisme rattrapé par le marché 377 Les enjeux environnementaux et culturels, la volonté de favoriser le développement local, motivent les recommandations des institutions internationales depuis une dizaine d’années1, pour que le tourisme se conforme à la notion de développement durable2. L’écotourisme, que l’on peut définir par un « voyage responsable dans les espaces naturels qui contribuent à la protection de l’environnement et à l’amélioration des conditions de vie des populations locales » (AFIT, 2002), en est l’archétype . Les acteurs du tourisme travaillent à le diffuser à force de promotion, tout en le canalisant pour le protéger des dérives possibles. Contrairement aux formes de tourisme courantes qui se définissent par l’activité pratiquée (ski, baignade, randonnée, voyage, détente), l’écotourisme se signale par la qualité de la destination et la relation que le touriste veut entretenir avec celle-ci : authenticité et responsabilité. Il se distingue ainsi en affichant des valeurs fortes, qui rejettent implicitement les conditions de vie des pratiques touristiques de masse (artificialité, consumérisme, etc.), diffusées depuis les années 1980 un peu partout dans le monde. Mais il se veut aussi rentable, comme toute activité marchande, ce qui le ramène aux dures conditions économiques. Ces trois qualités tentent de répondre à un marché tout en respectant les principes du tourisme durable. Mais au-delà des intentions, l’organisation de l’offre d’écotourisme n’est-elle pas en train de détourner la formule de départ ? C’est ce que nous allons analyser en traitant successivement de la signification et des conséquences de ces trois valeurs : authenticité, responsabilité, rentabilité. L’AUTHENTICITÉ La clientèle de l’écotourisme affirme être demandeuse de nature, que ce soit par la randonnée en forêt ou à la campagne, ou sous forme d’activités sportives de pleine nature, en Europe dans les régions rurales, ou dans les pays du Sud à la découverte de sites et de cultures traditionnelles. 1. La Charte du tourisme durable a été adoptée par l’Organisation mondiale du tourisme, lors de la conférence de Lanzarote (îles Canaries), en avril 1995. 2. C’est-à-dire le « développement qui répond aux besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire les leurs », selon la Commission des Nations Unies sur l’environnement et le développement, dite commission Brundtland, dont le rapport a été publié en 1987. 1. 378 L’écotourisme entre l’arbre et l’écorce Cette demande induit une logique...

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