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introduction Pierrette Verlaan et Michèle Déry En novembre 1997, un reportage sur la « violence des filles » crée un choc sur la scène médiatique : des jeunes filles se rendent alors tristement célèbres à la suite du meurtre d’une de leurs camarades de classe1. Avec comme point de départ l’histoire de ces filles, les médias tentent d’analyser le phénomène de la violence chez les adolescentes par une abondance de reportages dans les journaux et d’émissions télévisées. On invoque alors souvent des carences personnelles pour expliquer les conduites agressives ou antisociales des filles, un phénomène hors normes ou, tout au moins, non conforme au mythe de la« douceur féminine ». Des magazines comme MacLean’s2 se penchent également sur ce phénomène, dénonçant les conduites agressives des filles. Depuis, la question de la violence au féminin est présentée par les médias comme un fait relativement nouveau et un problème en émergence (par exemple : Dussault-Débat, octobre 2005 ; La Gazette des femmes, novembre 2005). L’inquiétude entourant la montée de la violence et des conduites antisociales des filles dépasse, cependant, le simple fait divers. Des données de Statistique Canada (2000) montrent que la prévalence des infractions croît plus rapidement chez les adolescentes que chez leurs pairs masculins. De fait, entre 1989 et 1999, le taux de crimes avec violence a augmenté de 81 % chez les filles, une augmentation 2,5 fois plus forte que chez les garçons. Chez les femmes adultes, le taux d’accusation pour ce type de crimes a également doublé, passant de 7,8 % en 1976 à 17,2 % en 2001 (Bertrand, 2003). Ces chiffres soulignent à quel point le problème des conduites antisociales chez les filles est tangible et mérite notre attention. 1. « Fury of Her Peers : A Teenager Brutal Assault and Drowning Raises Questions in Quiet Canadian Town », Time, novembre 1997. 2. « Bad Girls : A Brutal B.C. Murder Sounds an Alarm about Teenage Violence », MacLean’s, décembre 1997. Les conduites antisociales des filles 2 Il est vrai que les conduites antisociales et d’agression directe (physique ou verbale) s’observent beaucoup plus rarement chez les filles que chez les garçons, du moins au cours de l’enfance. Mais diverses études réalisées sur de vastes échantillons issus de la population générale ont conduit au constat suivant : la différence de prévalence des conduites antisociales entre les garçons et les filles diminue de manière significative entre l’enfance et l’adolescence. Par exemple, Offord et ses collègues (1991) rapportent un ratio pour le trouble des conduites de quatre garçons pour une fille durant l’enfance, mais de deux garçons pour une fille à l’adolescence. De façon plus marquée, Moffitt et ses collègues (2001) observent une différence de l’ordre de 10 garçons pour une fille à l’enfance, mais de 1,5 garçon pour une fille à l’adolescence. La moins forte prévalence des conduites antisociales chez les filles explique néanmoins en grande partie pourquoi les théories explicatives du développement de ces conduites prennent souvent appui sur des modèles élaborés à la suite d’études menées auprès de garçons. Ainsi, un effort consid érable de recherche a été fait pour établir la valeur prédictive et les corrélats différentiels de deux trajectoires distinctes de développement des conduites antisociales : une première où les conduites problématiques se manifestent au début de l’adolescence (ce serait le cas pour les filles et pour la plupart des garçons) et une seconde où les manifestations des troubles sont observées tôt dans l’enfance et persistent dans le temps (concernant alors presque essentiellement un petit groupe de garçons). Ce modèle théorique, tout en étant reconnu par l’American Psychiatric Association (1994), est encore loin d’être clairement établi auprès des filles. Néanmoins, si les trajectoires de vie des filles qui manifestent précocement des conduites antisociales sont encore aujourd’hui sous-documentées, les connaissances scientifiques s’accumulent progressivement sur ce phénom ène et mettent en lumière la contribution de plusieurs facteurs individuels, familiaux et sociaux. C’est ainsi que certains chercheurs, anglo-saxons pour la plupart, se...

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