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C H A P I T R E 20 LA DÉCENTRALISATION EN CHINE Loïc Tassé La centralisation et la décentralisation constituent des thèmes récurrents de l’analyse de la Chine. La distribution des pouvoirs qu’elles révèlent dessine une véritable cartographie de la politique chinoise, tant dans l’appareil central du gouvernement que dans les localités. Cette cartographie aide à saisir les enjeux véritables des luttes de pouvoir entre les factions, permet de comprendre les moyens d’action des diverses autorités les unes sur les autres et laisse entrevoir l’évolution de certaines politiques publiques. Les phénomènes de la centralisation et de la décentralisation en Chine sont difficiles à cerner. D’une part, ces concepts dérivent de l’observation des démocraties. Or, la Chine n’est pas une démocratie. D’autre part, l’extraordinaire développement de la Chine ainsi que l’intérêt porté à la globalisation des marchés ont tous deux attiré l’attention des chercheurs sur la dimension économique du pouvoir en Chine. Ainsi, la plupart de ceux qui se sont penchés sur ce problème observent une tendance lourde vers la décentralisation, depuis les réformes engagées par Deng Xiaoping à la fin des années 1970. 404 L’éveil du dragon L’étude de la centralisation et de la décentralisation en Chine pose des défis redoutables. Les problèmes de centralisation et de décentralisation recouvrent en Chine une envergure peu commune, puisque le phénomène touche vingt-sept provinces, dont quatre provinces dites autonomes, plus quatre « villes-provinces ». Bien plus, les provinces ont elles-mêmes délégué des pouvoirs à des localités situées à l’intérieur de leur territoire. De plus, le partage des pouvoirs n’est pas que vertical, c’est-à-dire, par exemple, entre des autorités centrales et des autorités locales. Il est aussi horizontal, c’est-à-dire qu’il concerne également la répartition des pouvoirs entre les ministères et organismes à un même niveau de gouvernement. Pour ajouter à la complexité du problème, la centralisation et la décentralisation peuvent s’effectuer de manière distincte suivant les différents secteurs d’activité étatique, étant entendu que la maîtrise des instruments fiscaux est souvent un enjeu crucial. Enfin, le degré de centralisation et de décentralisation peut varier dans le temps. En Chine, la centralisation et la décentralisation recouvrent moins des dimensions juridiques que des dimensions proprement politiques. Cette différence est attendue et normale dans le cadre d’un régime communiste où le système juridique a longtemps été présenté comme le résultat d’une lutte de classe, lutte qui par ailleurs pouvait servir d’alibi à des fonctionnaires et à des leaders politiques dont le pouvoir discrétionnaire est traditionnellement immense1 . Cette faiblesse du système juridique favorise l’organisation du pouvoir autour de forces comme la légitimité, l’autorité, le contrôle ou l’arbitrage. Il ne saurait être question ici de dégager l’ensemble des mécanismes de centralisation ou de décentralisation qui existent aujourd’hui en Chine. Nous nous bornerons à décrire l’évolution des idées de centralisation et de décentralisation en Chine, avant de montrer les limites de différentes perspectives d’analyse sur le phénomène. Nous évoquerons enfin le cadre général de la décentralisation actuelle des pouvoirs dans ce pays. 1. L’ÉVOLUTION DES IDÉES DE CENTRALISATION ET DE DÉCENTRALISATION EN CHINE Depuis la formation d’un État unifié sous Qin Shihuangdi, au IIIe siècle avant notre ère, toute la politique chinoise a été marquée par le problème des relations entre le gouvernement central et les autorités locales. Des débats opposaient déjà les défenseurs d’un système administratif centralisé à ceux d’un système 1. Voir, sur le pouvoir discrétionnaire, Fei Xiao Tong (1995), Nongcun, Xiao Chengzhen, Quhuo Fazhang (Régions rurales, petites villes et bourgs, développement régional), Beijing, Bei Tai Ping Zhuang, 15 p. [18.119.107.96] Project MUSE (2024-04-24 12:08 GMT) La décentralisation en Chine 405 décentralisé de type féodal2 . Sous la dynastie des Qing (1644-1911), le gouvernement formel s’arrêtait au niveau du comté, tandis que l’administration des affaires plus locales était laissée à l’autorité des...

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