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C h a p i t r e Le récit de vie et le rôle de la narration dans le développement psychologique des élèves en échec sévère noëlle sorin Université du Québec à Trois-Rivières noelle .sorin@uqtr .ca 5 [18.221.239.148] Project MUSE (2024-04-25 02:46 GMT) Le récit de vie et le rôle de la narration dans le développement psychologique 101 Les élèves en situation d’échec majeur connaissent une scolarité marquée par les insuccès, les redoublements, les orientations impos ées vers des sections ou des classes à cheminement particulier, très peu valorisées . Leurs difficultés d’apprentissage vont de pair avec de graves problèmes psychiques qui s’accompagnent souvent de troubles de comportement . Cependant, outre leur incapacité à maîtriser les compétences de base en lecture et en écriture, ils éprouvent surtout la peur d’apprendre et pratiquent l’autodévalorisation à outrance . Incapables qu’ils sont de filtrer les traumatismes anciens liés aux premières expériences éducatives, de se mettre à distance de leur propre histoire, ces élèves sont rétifs à toutes situations d’apprentissage et nous ne pourrons rien faire pour eux tant que nous ne leur fournirons pas les moyens de braver leurs peurs, de les mettre en résonance . Or, cette peur d’apprendre qui engendre difficultés d’apprentissage et échecs scolaires relèverait avant tout d’une crise identitaire, le processus d’appropriation symbolique du réel leur faisant totalement défaut et cette appropriation relève du travail en continuité de la mémoire, de la mise en récit de notre expérience personnelle absolument nécessaire à la construction identitaire . Nous faisons l’hypothèse que l’exploitation du récit de vie serait pertinente à cette objectivation de l’expérience de vie, à cette appropriation symbolique constitutive du sujet auxquelles ces élèves n’ont pas accès, leur permettant de se libérer de leurs préoccupations personnelles par trop envahissantes et de se réconcilier avec le savoir scolaire . Toutefois, cette expérience du récit de vie s’accompagne forcément d’une médiation culturelle, voire symbolique, de la part de l’enseignant , et celle-ci ne s’improvise pas . C’est pourquoi, en amont, nous préconisons, dans le cadre de la formation initiale des enseignants en adaptation scolaire, que les futurs enseignants fassent l’expérience de la découverte de soi et de l’autre en éprouvant en eux-mêmes la valeur constructive et pédagogique du récit de vie, expérience qu’ils pourront ensuite transposer auprès de leurs élèves en échec sévère et mettre en application comme médiateurs culturels . 1. Le récit et la construction identitaire Raconter des histoires est une de nos caractéristiques en tant qu’êtres humains . La capacité de transformer les événements en récit nous aide notamment à donner du sens à ce que nous vivons, à y mettre 102 Intervenir auprès d’élèves ayant des besoins particuliers de l’ordre, à en conserver la mémoire et à le transmettre aux autres (Arendt, 1961) . À cet égard, selon Jean-Marc Ferry (1991, p . 104),«on peut comprendre le récit, c’est-à-dire la présentation narrative d’événements, comme la première puissance de l’expérience liée au discours, car c’est typiquement par le récit que l’événement devient “histoire”» . Cette accumulation de récits depuis l’enfance, organisant les événements et les transmuant en expériences significatives, nous permet de façonner notre propre existence . Depuis les travaux de Ricoeur (1983, 1984, 1985), l’importance du récit dans la construction identitaire n’est plus à démontrer . En effet, il nous a appris que le récit est loin d’être un compte rendu passif d’événements qui se suffisent à eux-mêmes et que nous mettons spontanément en séquences . C’est plutôt un intermédiaire actif et constituant de l’expérience elle-même et de nous-même . Chacun a sa façon propre de se raconter par une sorte d’engagement temporel dans l’expérience, forgeant ce que Ricoeur appelle notre «identité narrative», cette dernière étant «une construction, par un sujet, d’un agencement de ses expériences signifiantes» (Dubar, 2000, p . 207) . L’identité narrative occupe une position...

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