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© 2005 – Presses de l’Université du Québec CHAPITRE TRANSFERTS MASSIFS D’EAU SOUTERRAINE EN LIBYE LE PROJET DE LA GRANDE RIVIÈRE ARTIFICIELLE 13 Simon Ricard Afin d’irriguer les terres agricoles des régions méditerranéennes, le gouvernement de la Libye a lancé en 1983 un projet titanesque visant à transférer les réserves d’eau souterraine enfouies dans son sous-sol désertique. Entièrement financée par la rente pétrolière, la construction de la Grande rivière artificielle (GRA) poursuit les objectifs de l’autosuf fisance alimentaire et de la diversification économique. Ce projet ne possède cependant qu’une espérance de vie limitée, car les ressources aquifères, quoique abondantes, sont présentes en quantité finie et non renouvelable. Une superposition de l’analyse politique à la configuration du territoire met ainsi en lumière trois enjeux à échelles variables qui sont indissociables de la matérialité de la ressource. Le premier concerne le rôle de la GRA dans le déséquilibre structurel de l’économie libyenne, ce dernier étant causé par la prédominance de la rente pétrolière et la marginalisation induite du secteur agricole. Le second enjeu se rapporte à la © 2005 – Presses de l’Université du Québec 286 Les transferts massifs d’eau distribution spatiale des aquifères du Sahara, encore mal connue, ainsi qu’à l’exploitation simultanée de ces derniers par plusieurs États. Cette réalité constitue un cadre potentiellement conflictuel, se confrontant à l’édification de mécanismes régionaux de gestion des ressources partag ées. Finalement, la Grande rivière artificielle représente aux yeux de la Libye, et ce au-delà de sa finalité technique, un attribut fondamental de sa souveraineté territoriale ainsi qu’un véhicule idéologique puissant. 1. UN TERRITOIRE ESSENTIELLEMENT DÉSERTIQUE Avec une superficie de 1 759 540 km3 et localisé en plein cœur de l’Afrique du Nord, le territoire libyen est circonscrit par environ 3 600 km de fronti ères partagées avec six États : l’Égypte à l’est, le Soudan, le Tchad et le Niger au sud, puis l’Algérie et la Tunisie à l’ouest. La limite septentrionale du pays est définie par 1 820 km de côtes donnant sur la mer Méditerran ée. Cette dernière, associée à la prédominance du Sahara sur 90 % du territoire, détermine une forte disparité climatique entre les principales régions du pays. L’extrême nord constitue une fine plaine verdoyante d’au plus 80 km de largeur. Le climat y est méditerranéen, c’est-à-dire que les étés sont généralement longs et secs et les hivers relativement humides. Les précipitations1 y sont rares mais intenses, représentant une moyenne annuelle variant entre 80 et 100 mm, mais atteignant 300 mm dans la plaine du Jafarah. Vers le sud, les faibles altitudes font place à deux massifs modestes (le point culminant étant de 981 m) nommés Jabal Nafusah et Jabal Al-Akhdar. Respectivement localisées dans les régions administratives Tripolitaine à l’ouest et Cyrénaïque à l’est, ces successions de plateaux et de vallées s’élancent de part et d’autre du golfe de Syrte. Étant les zones les plus arrosées du pays, ces dernières présentent une végétation arborescente et constituent le principal potentiel agricole du pays. Les précipitations annuelles dépassent les 500 mm au Jabal Al-Akhdar et 300 mm au Jabal Nafusah. Finalement, les dunes du Sahara s’étendent sur le reste du territoire, ces dernières étant parsemées d’oasis essentiellement localisées dans les régions du Fezzan et de Koufra. La limite septentrionale du désert se situe le long de l’isohyète de 100 mm et prend la forme d’une fine bande steppique longeant les plaines côtières. Le climat y est bien évidemment caractérisé par une extrême aridité : températures élevées (de 40 à 45 ºC en été), précipitations presque nulles et fort irrégulières, un faible taux d’humidité de 5 %. À l’exception de 1. La distribution pluviométrique est tirée de D. Bisson et J. Fontaine (1999). La Libye : à la découverte d’un pays, Paris, L’Harmattan, p. 97. [18.188.20.56] Project MUSE (2024-04-26 08:40 GMT) Transferts massifs d’eau souterraine...

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