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LIEU DE MÉMOIRE ET TRAITE TRANSATLANTIQUE L’exemple du Mémorial de Gorée Amadou Lamine Sall [3.133.156.156] Project MUSE (2024-04-25 16:57 GMT) En 1996, le gouvernement du Sénégal a décidé d’ériger dans la corniche de Dakar et sur l’île de Gorée un mémorial et un musée consacrés à la mémoire de la traite négrière. Soutenu par l’Organisation des états africains et par l’UNESCO, ce projet a donné lieu à un concours d’architecture de grande envergure. Sept cent quarante œuvres furent soumises au concours international du projet du Mémorial de Gorée et deux cent quatre-vingtdix œuvres ont été finalement retenues. Il importe de noter que l’œuvre lauréate, signée par Ottavio Di Blasi, un architecte italien de Milan, a été choisie à l’unanimité du jury. La symbolique et la philosophie de l’œuvre sont ainsi présentées par son concepteur : il s’agit d’un village africain victime d’une tragédie. Ce village se compose de deux parties. Une partie est dans la mer, une partie sur la terre. La partie située en mer symbolise ceux qui sont partis. La partie sur terre représente ceux qui sont restés. Au milieu du village, il y a une fracture et au milieu de cette fracture s’élève le Mémorial. Ce mémorial se présente sous la forme d’un mât debout qui épouse la forme d’une pirogue tournée vers les Amériques. Cette pirogue culmine à 135 m d’altitude. Ce sera le monument le plus élevé du Sénégal. Un ascenseur panoramique monte jusqu’à 95 m et donne une magnifique vue sur l’île de Gorée et la capitale Dakar. Des musées, des salles de spectacles et de métiers pour les arts et la culture, une esplanade, un embarcadère, complètent le site et constituent autant d’infrastructures accompagnant le Mémorial. En plus de contribuer au recueillement et au devoir de mémoire, le Mémorial de Gorée est une totalité, c’est-à-dire un projet porteur de développement et de croissance. Au-delà de ce que symbolise le Mémorial pour le peuple noir et ses diasporas, il témoigne pour l’avenir de cette tragédie que fut la traite négrière. Dans l’histoire récente, ce projet architectural va inaugurer une nouvelle génération de patrimoine pour le Sénégal et pour l’Afrique. Le Mémorial de Gorée ne sera pas seulement un monument commémoratif , mais un puissant instrument de promotion et de renaissance culturelle de l’Afrique. Il sera un laboratoire de la coopération internationale pour la cause des droits de l’homme. Le Mémorial de Gorée ne sera pas seulement un monument pour les morts. Ce sera un monument pour les vivants. 166 Le devoir de mémoire et les politiques du pardon En érigeant ainsi un mémorial qui réhabilite en même temps l’île de Gorée, le gouvernement du Sénégal et l’UNESCO proposent à l’ensemble de la communauté internationale : – de créer un lieu de souvenir sur la Traite négrière pour ne pas perdre la mémoire ; – de resserrer les liens entre les Noirs d’Afrique et de la diaspora et renforcer l’identité culturelle des peuples noirs ; – de développer la recherche et la réflexion entre toutes les communaut és internationales et combattre les préjugés de race et de culture afin de véritablement et définitivement « élever les défenses de la paix et de la justice dans l’esprit des hommes » ; – d’offrir aux pays d’Afrique noire et aux populations de leur diaspora un projet majeur et mobilisateur. Grâce à de nombreux travaux récents, l’histoire terrible de cette tragédie qui dura trois siècles est connue de tous. Trois siècles de traite et de déportation dans la vie d’un continent, cela compte, cela laisse des traces. Déjà, Hérodote, dans le livre IV de son Enquête, attirait l’attention sur le commerce négrier. L’évocation de l’esclavage et de la traite négrière font aujourd’hui encore frémir d’horreur des millions et des millions d’hommes en Afrique et dans le...

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