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LES PENSIONNATS INDIENS Souvenir et réconciliation Gail Guthrie Valaskakis [18.216.32.116] Project MUSE (2024-04-24 14:35 GMT) Dans son livre intitulé How Societies Remember, Paul Connerton écrit :« généralement, les images qu’on évoque de nos expériences passées servent à légitimer un ordre social actuel1 » (Connerton, 1989, p. 3). Pendant cinq cents ans, les imageries sociales divergentes inspirées par l’Indien nomade primitif ou noble et par l’homme blanc pionnier civilisé ou christianisé ont évolué parallèlement en suivant des parcours historiques distincts. Ce périple n’a pas été sans difficulté et il a été fécond en événements ; quant à sa destination, elle est encore incertaine. Il s’agit en fait d’un pays autochtone, un territoire occupé par les Indiens et les Inuits d’autrefois et colonisé par les ancêtres d’autres Nord-Américains. Coincés en raison d’un conflit culturel et d’une lutte politique, les Autochtones et les nouveaux arrivants vivent des réalités sociales différentes, en partie parce qu’ils ont des souvenirs nationaux différents. Pendant les cinq siècles où les Autochtones ont été sous la coupe coloniale, ils ont été représentés par d’autres dans les proclamations et les politiques, dans les études et les récits. Au cours de toutes ces années, alors que les voix des Autochtones étaient réduites au silence par des commissions ou par des omissions, ce sont des politiciens et des rapatriés, des anthropologues et des historiens, des photographes et des romanciers non autochtones qui s’appropriaient l’héritage des Autochtones et qui le rapportaient par écrit. Le lien entre ce que Patricia Nelson Limerick désigne comme The Legacy of Conquest [le legs de la conquête] (Limerick, 1987) et les souvenirs et les remémorations de la vie des Autochtones étaient pratiquement invisibles. Les images et les expériences, les actions et les politiques historiques dissemblables dont les Autochtones et les Canadiens se souviennent sont liées aux disparités en matière d’économie, de santé et d’éducation qui marquent le paysage politique de ce pays. Les souvenirs que conservent les Autochtones de la formation de la nation évoquent l’occupation des terres, la confiscation des ressources, la destruction des cultures, ainsi que la transgression de la souveraineté des nations indigènes. Au contraire, selon ce que Patricia Nelson Limerick laisse entendre, en dépit du fait que les Canadiens regrettent l’assaut du fédéral contre les gouvernements, les économies et les cultures autochtones, il reste que « dans la mémoire populaire, la réalité de 1. Traduction libre de : «images of the past commonly legitimate a present social order ». 104 Le devoir de mémoire et les politiques du pardon la conquête a disparu pour faire place à des stéréotypes inspirés par le bon sauvage et le gentilhomme pionnier menant une étrange lutte dans un milieu sauvage2 » (Limerick, 1987, p. 19). En effet, dans l’imagination sociale et les récits du public ayant pris naissance dans la culture populaire, la réalité que les Autochtones ont vécue et leurs souvenirs personnels sont masqués par des stéréotypes ou passés sous silence. L’avènement des pensionnats indiens constitue un repère révélateur du contrôle colonial et du mutisme qui ressortent de l’histoire au Canada. Jusqu’à 1992, on a passé sous silence dans l’histoire sociale et politique de l’État-nation les témoignages oraux des Autochtones ayant fréquenté les pensionnats ; les Autochtones eux-mêmes ont été réticents à raconter leur expérience vécue dans les pensionnats. Néanmoins, au cours de la dernière décennie, des Autochtones ont commencé à évoquer leurs souvenirs portant sur ce qu’ils avaient vécu au pensionnat, sur leurs études et les travaux domestiques et autres qu’on leur imposait. Les survivants ont fait état de leur désespoir provoqué par la perte de leur famille, de leur communauté, de leur culture et de leur langue ; ils ont parlé des souffrances causées par les abus physiques et sexuels dont ils ont été victimes. Ces expériences empreintes d’isolement, de subordination et d’abus ont eu des répercussions sur des générations d’enfants autochtones, rajoutant un poids additionnel aux tensions qui règnent dans les relations actuelles entre les...

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