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Réflexions sexoanalytiques sur certaines formes d’érotisme féminin Claude Crépault Ph. D., professeur honoraire au Département de sexologie Université du Québec à Montréal (UQAM) Président et fondateur de l’Institut international de sexoanalyse 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 CHAPITRE C omment concevoir la sexualité au début de l’humanité? Un fantasme des origines, de la scène originelle! Un fantasme qui renvoie au fondement de la différenciation sexuelle, aux archétypes de la masculinité et de la féminité. Je serais tenté d’imaginer une sexualité essentiellement pulsionnelle où l’homme sélectionné et attiré par une femme affirmait sa puissance phallique; un passage phylogénétique de l’instinct sexuel animal à la pulsion et au désir; une première humanisation de la sexualité. Cela nous ramène aux fantasmes les plus archaïques de l’homme et de la femme, à l’érotisme à l’état brut. On peut supposer que l’excitation de l’homme primitif était surtout alimentée par le désir de dominer la femme en la pénétrant, et que celle de la femme était nourrie par le fait de se sentir désirée et d’être dominée en se laissant pénétrer vaginalement. Éros existait bien avant d’être nommé par les Grecs. On peut supposer que dans la scène originelle, Éros s’exprimait assez librement. Pour assurer leur essor, toutes les sociétés humaines connues lui ont imposé des contraintes. Les interdits sociaux ont eu pour effet de complexifier, de pervertir ou, au contraire, d’inhiber l’érotisme. Mais l’inconscient sexuel ne se laisse pas assujettir facilement. Mon hypoth èse est que les fantasmes originaires de domination-soumission sont NOUVELLES PERSPECTIVES EN SEXOANALYSE 40 encore bien présents non seulement dans les inconscients de l’homme et de la femme, mais aussi dans les productions imaginaires conscientes. Quand ces fantasmes de domination-soumission deviennent trop mena- çants, ils sont réprimés, symbolisés ou même transformés en leur contraire. Quand ils circulent trop librement dans l’espace imaginaire, ils risquent de verser dans le sadomasochisme. Les lois de l’érotisme sont encore très mal connues. Mes travaux sur l’imaginaire m’ont mené à une conclusion semblable à celle de Stoller (1984): Éros est principalement stimulé par la nouveauté, la victoire, le mystère, le risque, le défendu, l’hostilité. Mais Éros peut être aussi activé par l’échange des cœurs, la tendresse, la fusion (Crépault, 2001). Éros circule entre l’amour et la haine. Éros peut prendre toutes sortes de trajectoires, de la plus banale à la plus bizarre. Krafft-Ebing (1882) a été l’un des premiers à répertorier les parcours atypiques de la sexualité. Cela s’appliquait surtout aux hommes. De nos jours, on reconnaît que les érotisations déviantes se retrouvent aussi chez les femmes, du moins sur le plan de l’imaginaire (Côté, 2001). La «madone anérotique» – créée par l’homme ou par la femme? – est en voie d’extinction. Éros, dans toute son étrangeté, a séduit de nouveau la femme. Pour un homme, aborder le courant féminin de l’érotisme a quelque chose d’audacieux. Analyser quelque chose que l’on ne peut vivre de l’intérieur est certes une limite. Par contre, poser un regard de l’extérieur permet une plus grande objectivité. En me basant sur les nombreux témoignages de femmes que j’ai recueillis au fil des ans et sur des cas cliniques personnels ou provenant de supervisions cliniques, je me permettrai une incursion dans cet univers érotique féminin en mettant tout d’abord l’accent sur un fantasme originaire, à savoir le fantasme de soumission et ses manifestations extrêmes quand il verse dans le masochisme érogène. Le ravalement, la dégradation et la douleur physique deviennent alors des sources de plaisir érotique. J’aborderai ensuite, à l’aide d’une illustration clinique, un autre phénomène étrange, l’homosexualit é discordante caractérisée par une prédominance de fantasmes et de rêves hétérosexuels chez une femme homosexuelle. [18.117.196.217] Project MUSE (2024-04-24 21:21 GMT) RÉFLEXIONS SEXOANALYTIQUES SUR CERTAINES FORMES D’ÉROTISME FÉMININ 41 DU FANTASME DE SOUMISSION AU MASOCHISME ÉROGÈNE Dans mes recherches sur l’imaginaire, j’ai constaté que la soumission avait une...

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