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CHAPITRE 11« VALEURS SOCIALES » ET GESTION FORESTIÈRE DURABLE LA DIVERSITÉ DES VISIONS DE LA FORÊT DES RÉSIDENTS D’UNE COMMUNAUTÉ FORESTIÈRE Catherine Martineau-Delisle La gestion forestière s’est développée en Amérique du Nord pendant une période qui se distingue par une croyance inébranlable en la neutralit é de la science et sa capacité, par la connaissance des faits, de résoudre les problèmes relatifs aux questions de politique publique (Bengston, 1994). La gestion des forêts est ainsi conçue comme une application de la science constituant « le savoir juste à même de fournir les réponses justes ». Dans la suite de ce biais disciplinaire, le processus décisionnel est relativement rigide, l’autorité décisionnelle est centralisée, le savoir des experts et des professionnels domine la chaîne des procédures. À partir des années 1970, la conception traditionnelle de la gestion des forêts commence à être sérieusement remise en question ; les réactions se font plus vives à l’égard des risques potentiels des pratiques forestières orientées principalement vers l’extraction de la matière ligueuse. Depuis, on constate une transformation progressive des façons 248 Mouvements sociaux et changements institutionnels de faire en matière de gestion forestière, tout particulièrement depuis les deux dernières décennies. Ces changements ne sont pas étrangers aux revendications formulées par les groupes environnementaux dont l’impact sur le régime forestier canadien fut significatif. S’ils ont attiré l’attention sur les impacts environnementaux associés aux pratiques en vigueur, ils ont aussi commencé à questionner la légitimité du paradigme forestier traditionnel et la façon dont l’intérêt public était pris en compte (Stefanick, 2001). En fait, ces groupes sont les premiers acteurs qui ont demandé d’avoir leur mot à dire dans la prise de décision en matière de politique forestière. Aussi, on peut leur reconnaître d’avoir mis à l’ordre du jour la nécessité de considérer une diversité d’intérêts et de relations à la forêt. Suivant cette nouvelle demande sociale, certains changements institutionnels ont commencé à s’opérer afin d’intégrer d’autres types de perspectives qu’uniquement celles des acteurs traditionnels, gouvernements et industries. Les pratiques de participation publique constituent certainement le meilleur exemple de moyen retenu pour mettre en œuvre une gestion des forêts davantage conforme à cette préoccupation. Plus récemment, les appels en faveur du développement durable suite au Rapport Brundtland (1987) et au Sommet de Rio de Janeiro (1992) ont contribué à renforcer encore davantage cette tendance à une modification des pratiques. Celle-ci prend forme dans de nouveaux concepts, de nouvelles approches telles que la gestion écosystémique (Cortner et Moote, 1999). Les définitions de la gestion écosystémique foisonnent, d’autant plus qu’elle ne peut encore prétendre faire consensus (Wilson, 2001, p. 96). Divers principes généraux permettent néanmoins de caractériser ce qui est considéré comme le nouveau paradigme émergent en matière de gestion forestière : définition des objectifs de gestion sur la base des « valeurs sociales », utilisation d’une approche scientifique intégrée et holistique, mise à contribution d’institutions flexibles, élaboration de processus décisionnels collaboratifs et participatifs , et utilisation d’échelles temporelles et spatiales flexibles (GalindoLeal et Bunnell, 1995 ; Cortner et al. 1994 ; Cortner et Moote, 1999). L’émergence du paradigme de la gestion écosystémique dans les années 1980 et 1990 est largement attribuée à l’incapacité du paradigme traditionnel à s’adapter à un contexte social changeant, un contexte où les valeurs sont en évolution (Bengston, 1994). Williams et Patterson (1996) soulignent que les professionnels forestiers n’ont pas réussi à dépasser une définition de la forêt basée sur ses propriétés tangibles, celles qui sont liées à la production de commodités. Un des aspects du paradigme de la gestion écosystémique qui dénote un changement notoire en regard des anciennes approches relève de l’accent particulier mis sur les enjeux proprement sociaux de la gestion forestière. Parmi eux figure celui de l’intégration [3.139.97.157] Project MUSE (2024-04-25 08:06 GMT) « Valeurs sociales » et gestion forestière durable 249 d’une plus large diversité de « valeurs sociales » de la forêt (Brunson, 1993 ; Xu et Bengston, 1997). Plusieurs des orientations...

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