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CHAPITRE 5 ENTRE CHANGEMENTS FAMILIAUX ET NOUVEAUX RAPPORTS À L’ÉTAT, UN MOUVEMENT POUR UNE POLITIQUE FAMILIALE AU QUÉBEC 1960-1990 Denise Lemieux Parmi les organismes communautaires du Québec qui offrent des services aux familles, certains se sont réunis à la fin des années 1960 en un mouvement social pour revendiquer la mise en place d’une politique familiale , érigeant de ce fait la famille comme valeur et la posant comme groupe représentatif dans un contexte de plus en plus axé sur l’individu. Bien que leurs provenances et leurs idéologies les rattachent directement aux courants familialistes (Lenoir, 1985), la dynamique de sécularisation dans laquelle se crée au cours de cette décennie un rassemblement pour une politique familiale, les changements familiaux auxquels ils ont été confrontés par la suite, les services qu’ils créent ou les lois qu’ils réclament pour améliorer la qualité de vie des familles et les rapprochements effectués autour de certains enjeux avec le mouvement féministe les apparentent à ces nouveaux mouvements sociaux construits autour du quotidien (Melucci, 1990). 116 Mouvements sociaux et changements institutionnels Dans un ouvrage sur L’histoire du mouvement familial au Québec, 1960-1990 (Lemieux et Comeau, 2002), nous avons reconstitué les rapprochements et les alliances successives de cette pluralité d’acteurs collectifs autour d’un mouvement pour une politique familiale. Ils ont des activités diversifiées, des idéologies parfois éloignées les unes des autres, tout en étant regroupés autour de valeurs et d’objectifs concernant la production et la demande de services et de législations pour répondre aux besoins des familles. Nous avons décrit le contexte et les circonstances qui les ont menés à se rallier à certains enjeux et, par moments, à rivaliser entre eux pour influencer ou susciter des changements législatifs et politiques touchant les familles. L’objet de cet article est d’analyser la nature complexe d’un tel mouvement en mettant l’accent sur ses origines et ses filiations, ses ramifications et ses interactions avec d’autres mouvements et d’autres acteurs publics, en identifiant ses acteurs principaux et leurs définitions diverses concernant des représentations et des formes familiales en mutation ainsi que leurs rapports aux institutions ; nous évoquerons aussi certaines des stratégies, regroupements partiels, divisions et coalitions qui, au cours des trois décennies, ont préludé à la mise en place en 1987 d’un organisme public chargé de la réalisation d’une politique familiale. 5.1. HORIZON THÉORIQUE ET SOURCES DOCUMENTAIRES Ce mouvement qui a suscité jusqu’à présent peu d’études d’ensemble pour le Québec se situe au centre des processus de transformation des rapports entre les groupes et les institutions publiques au moment de la Révolution tranquille et après. C’est de l’intérieur du mouvement que sont issues les premières analyses (Laporte-Dubuc, 1969, 1970, 1971 ; Sarrasin, 1984, 1994 ; Fortin, 1996) ; c’est aussi sous l’impulsion de certains leaders que fut formulée une demande d’histoire qui a suscité diverses études, dont celle de Marie-Paule Malouin (1998) et la nôtre (Lemieux et Comeau, 2002)1, portant sur deux périodes bien distinctes. Quant à nous, nous nous sommes inspirées dans cette recherche d’une conception construite et évolutive des mouvements sociaux mettant l’accent sur l’importance des valeurs et représentations ainsi que des aspects identitaires 1. Cette étude a été réalisée dans le cadre du partenariat Familles en mouvance et dynamiques intergénérationnelles, financé par le Conseil québécois de la recherche sociale, qui rassemble chercheurs, experts gouvernementaux et intervenants communautaires du secteur familial. Le projet fut réalisé à la demande des communautaires. [3.17.6.75] Project MUSE (2024-04-18 16:05 GMT) Entre changements familiaux et nouveaux rapports à l’État 117 d’un mouvement (Melucci, 1998). Grâce à Bruno Duriez, nous avons tiré profit des travaux du Groupement pour la recherche sur les mouvements familiaux (Chauvière et Duriez, 1985 ; Duriez, 1988 ; GRMF, 1982, 2002), qui ont publié depuis les années 1980 toute une série d’études historiques et d’analyses sur des composantes d’un mouvement familial dont l’institutionnalisation coïncide en France avec la Seconde Guerre. Enfin, nous avons emprunté à Bussat et Chauvière (1997) et à un groupe de chercheurs qui se sont penchés en 1997 sur une...

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