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Au confluent de l’art et de la science Le génie génétique en art contemporain ALLEMAGNE Ingeborg REICHLE L ’art et la science Au XXe siècle, il n’y avait probablement pas de terme scientifique plus populaire que «gène» et aucune discipline scientifique n’arrivait, par ses images et ses métaphores visuelles, à rivaliser avec le statut d’icônes culturelles omniprésentes qu’ont celles qui dérivent de la biologie moléculaire1. L’importance accordée aux gènes en prévision de leur cartographie et de leur mise en marché va bien plus loin que leur rôle immédiat dans l’hérédité et les processus de développement. La représentation picturale du génome humain sous la forme d’une double hélice et les images des vingt-trois paires de chromosomes humains ne sont plus des descriptions neutres de processus génétiques humains; elles ont acquis le statut d’ornements et de véhicules d’un sens mythologique et religieux de «la 1. Dorothy Nelkin et Susan Lindee, The DNA Mystique: The Gene as a Cultural Icon, New York, Freeman, 1995; Donna Haraway, «Deanimation: Maps and Portraits of Life Itself», dans Caroline A. Jones et Peter Galison (dir.), Picturing Science – Producing Art, Londres et New York, Routledge, 1998, p. 181-207. Ingeborg Reichle, historienne de l’art et théoricienne, est chercheure au Hermann von Helmholtz-Zentrum für Kulturtechnik à la HumboldtUniversit ät à Berlin. Elle a présenté ses recherches dans des colloques et collaboré à l’organisation de plusieurs expositions en Allemagne et ailleurs. Elle est auteure de plusieurs essais sur les nouveaux médias, sur la vie artificielle et sur l’art et les biotechnologies. Sa thèse de doctorat portant sur l’art, la connaissance et la technoscience, est publiée sous le titre Kunst aus dem Labor (2005). 248 Art et biotechnologies vie en soi2». Déjà, vers 1900, les premiers représentants de cette nouvelle discipline qu’était alors la génétique affichaient une tendance à la rhétorique utopiste, faisant surgir des visions d’un «art biologique du génie» ou d’une«technologie des organismes vivants», qui ne se limitait pas à modeler des plantes et des animaux, mais aspirait à établir de nouveaux étalons pour la coexistence humaine et l’organisation de la société humaine3 . À l’époque, tout comme aujourd’hui, les hérauts de cette «révolution biologique» prédisaient rien de moins qu’une deuxième création; cette fois, cependant, il s’agirait de la création artificielle d’une nature bioindustrielle destinée à remplacer la notion originelle de l’évolution. Depuis quelques années, beaucoup d’expositions d’art contemporain4 prennent pour thème les effets de cette «révolution biologique» sur l’image de soi des gens et sur les interrelations multiples entre l’art et la génétique5 . Cependant, contrairement aux premières rencontres entre l’art et la génétique, qui ont débuté au début du XXe siècle par l’engagement visuel et affirmatif de l’art avec la génétique, aujourd’hui, ces images «scientifiques» sont décodées par la mise en lien de l’art avec les images des sciences de la vie, ce qui donne lieu à une nouvelle lecture de ces images. Les artistes emploient la terminologie du domaine de l’art et l’appliquent aux images générées par les techniques de la biologie moléculaire ou d’autres sciences de la vie; ils remettent en ques2 . Regine Kollek, «Metaphern, Strukturbilder, Mythen – Zur symbolischen Bedeutung des menschlichen Genoms», dans Lisbeth N. Trallori (dir.), Die Eroberung des Lebens: Technik und Gesellschaft an der Wende zum 21. Jahrhundert, Vienne, Verlag für Gesellschaftskritik, 1996, p. 138s. 3. Voir Ludger Weß, Die Träume der Genetik, dans Die Eroberung des Lebens. Technik und Gesellschaft an der Wende zum 21. Jahrhundert, Lisbeth N. Trallori (dir.), Vienna, Verlag für Gesellschaftskritik 1996, p. 138s. 4. «Künstliches Leben»; «GameGrrl. Abwerten biotechnologischer Annahmen», Zürich/ Munich, 1994; «Frankensteins Kinder», Zürich, 1997; «Out of Sight: Imaging/Imagining Science», Santa Barbara, 1998; «Tenacity: Cultural Practices in the Age of Information and Biotechnology», New York et Zürich, 2000; «Paradise Now», New York, 2000; «New Life», Casula, 2000; «The 8th New York Digital Salon 2000», New York, 2000; «Unter der Haut: Transformationen des Biologischen in der zeitgenössischen Kunst», Duisburg...

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