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De l’alchimie au bioweb
- Presses de l'Université du Québec
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De l’alchimie au bioweb Les métaphores de la transmutation et de la rédemption ÉTATS-UNIS Sonya RAPOPORT Entrevue d’Ernestine DAUBNER C’est au cours des années 1970 que l’artiste innovatrice Sonya Rapoport a commencé à créer des installations multimédia interactives fondées sur l’ordinateur et ayant des références scientifiques et (bio)-technologiques. Pionnière de l’art sur Internet, elle est la première à avoir introduit le terme «transgénique» dans une œuvre d’art, son installation interactive The Transgenic Patch: Cellular and Psychological Transformation, en 1993. Ce projet ne fut jamais entièrement réalisé, mais la même année, il devint une œuvre d’art interactive sur ordinateur, The Transgenic Bagel, une parodie de l’épissage de gènes recombinants. Débordantes d’ironie et d’humour, ses œuvres subséquentes de bioweb1 sont de riches commentaires sur des questions socioculturelles. Dans son œuvre de bioweb la 1. Par le terme bioweb, j’entends l’art sur Internet qui incorpore des références bio(techno)logiques. Sonya Rapoport est artiste multimédia vivant à Berkeley en Californie. Depuis les années 1970, elle crée des installations interactives à l’aide de l’ordinateur. Ses productions s’appuient sur des données scientifiques et biotechnologiques. L’une des pionnières de l’art Internet, elle a créé plusieurs œuvres Web interdisciplinaires depuis 1993 (voir http://users. lmi.net/sonyarap) qui ont aussi été exposées dans de nombreuses manifestations d’art technologique à travers le monde, notamment à la biennale de Buenos Aires en Argentine. Elle est membre du conseil d’administration de LEONARDO/ISAST et de l’Alumni Committee pour l’University of California Art Practice Group. 228 Art et biotechnologies plus récente, Kabbalah/Kabul: Sending Emanations to the Aliens (2004), Rapoport propose la recherche sur les cellules souches comme moyen de contrer la nature destructrice de la machine de guerre. Même si Rapoport fait souvent des renvois à la recherche scientifique de pointe, elle mélange ces références à des mythologies anciennes, à des récits bibliques et à la culture populaire. Par des moyens variés, elle fait dans ses œuvres une critique ironique des coutumes et construits culturels d’hier et d’aujourd’hui, tout en y incluant des métaphores de la transformation et d’autres manières d’être: les possibilités du morphage, de la reconstruction de traits personnels et de coutumes collectives. Porteuses d’une condition cyborgienne2 de l’hybridité et des frontières fluides, ses œuvres sont toujours dynamiques du fait que les notions de transsexualité, de transethnicité, de transculture, de transgénique, de trans-(…) sont un moyen, d’une part, de mixer, de fusionner ou de fondre des éléments disparates et souvent hiérarchiques et, d’autre part, d’en révéler les implications éthiques et morales. Dans plusieurs de ses œuvres, le golem lui sert d’avatar; il joue le rôle de véhicule pour la mutation ou le changement et de métaphore de l’espoir et de la rédemption. Dans cet entretien, Sonya Rapoport parle de son œuvre et de ses relations avec la science, la technologie et la culture. n Vous avez commencé votre carrière d’artiste dans la peinture expressionniste abstraite, puis, au cours des années 1970, vous vous êtes détournée de la peinture pour devenir l’une des premières artistes à créer des œuvres sur ordinateur en relation avec des modèles scientifiques. Beaucoup de ces travaux sont des imprimés d’ordinateur qui interprètent divers domaines de la recherche scientifique telles la botanique, la physique nucléaire et la génétique. Avez-vous subi l’influence d’autres artistes qui travaillaient dans le même domaine? Qu’est-ce qui vous a attirée vers les sciences et vers la biotechnologie en particulier? n Je ne connaissais pas d’artistes qui renvoyaient à la science dans leurs œuvres et, à cette époque-là, je ne connaissais évidemment personne qui travaillait dans le domaine de la biotechnologie. Mariée à un professeur de chimie, j’étais isolée des autres artistes. Ma vie sociale gravitait autour de chimistes. J’avais une source scientifique à portée de la main pour tout ce que je voulais savoir sur n’importe quel sujet d’ordre scientifique. Les scientifiques manifestaient beaucoup d’intérêt pour ce que je faisais; ils...