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L’art du semi-vivant et de la vie partielle Extra Ear – ¼ Scale AUSTRALIE Oron CATTS et Ionat ZURR L’utilisation d’animaux et d’organes humains à des fins artistiques et rituelles est aussi ancienne que l’histoire de l’humanité. Il y a au moins quatre-vingt-dix ans qu’on possède les connaissances nécessaires à la conservation de fragments organiques en vie à l’extérieur de leur organisme d’origine1 . Les travaux du Tissue Culture & Art Project (TC&A) constituent la première tentative d’exploration de la perspective de combiner les connaissances technoscientifiques sur la culture tissulaire et les technologies connexes à une pratique artistique. Dans cet essai, nous employons le terme «art tissulaire» afin de distinguer la pratique particuli ère qui consiste à se servir de tissus vivants comme moyen d’expression artistique des autres pratiques de l’art biologique. De plus en plus d’artistes et de collectifs artistiques ont soit commencé à explorer l’art tissulaire, soit exprimé 1. Pour une chronologie de la culture cellulaire et tissulaire , voir P.R. White, The Cultivation of Animal and Plant Cells, 2e éd., New York, The Ronald Press, 1964. Pour une histoire de la culture des organes, voir A. Carrel et C.A. Lindbergh, The Culture of Organs, 1938, New York, Paul B. Hoeber Inc. (Tissue Culture & Art) Oron Catts est cofondateur et directeur artistique de SymbioticA, the Art and Science Collaborative Research Laboratory, School of Anatomy and Human Biology de l’University of Western Australia. Il est fondateur du projet Tissue Culture & Art (initié en 1996). Ionat Zurr est membre de TC&A et chercheure à SymbioticA. Ils ont tout deux été chercheurs au Harvard Medical School de 2000 à 2001. Ils ont présenté leurs productions et leurs travaux de recherche à travers le monde lors de grandes manifestations comme Ars Electronica (2000, 2001), L’Art Biotech à Nantes (2003) et the Live Art Conference in the Tate Modern (2003). The Pig Wings Project et Disembodied Cuisine sont parmi leurs œuvres les plus reconnues. Ils publient régulièrement dans des publications scientifiques et artistiques comme Leonardo. 100 Art et biotechnologies leur intérêt à le faire2 . Il semble que le moment est venu de réexaminer certains enjeux concernant la présentation publique d’œuvres de ce genre dans un contexte artistique. Nous tenterons ici de passer en revue quelques-unes des questions qui entourent l’art tissulaire par un examen subjectif de l’œuvre de TC&A et plus particulièrement d’un projet réalisé en collaboration avec Stelarc, Extra Ear – ¼ Scale, récemment exposé dans le cadre de l’événement Art in the Biotech Era, Experimental Art Foundation, au Festival international des arts d’Adelaïde en 2004. Nous profiterons aussi de l’occasion pour réagir à quelques-uns des arguments mis de l’avant par Paul Virilio dans son livre Art and Fear3 à l’encontre de ces pratiques artistiques tout en remettant en question l’espace autonome de l’artiste qui travaille avec des technologies qu’il ou elle critique. Dans le cadre de notre discours sur le projet TC&A, nous mettons l’accent sur notre approche critique et non positiviste à l’égard des sculptures issues du génie tissulaire, ce qui pourrait paraître ironique dans l’optique d’artistes qui domestiquent de nouvelles technologies: Petran Kockelkoren (2003)4 parle du rôle que les artistes ont toujours joué dans la médiatisation technologique en s’appropriant de nouvelles technologies afin de créer un nouveau langage visuel et de livrer de nouvelles significations. Il soutient que l’engagement artistique à l’égard des nouvelles technologies a favorisé leur acceptation par le public et contribué à leur domestication. Il remet ainsi en question les notions de l’autonomie et de la pratique des artistes. Toutefois, il affirme aussi que toute l’existence humaine est assistée par les technologies:«Les gens sont “naturellement artificiels”, dit-il. La technologie ne peut pas aliéner les gens de leur état naturel, parce qu’ils sont déjà aliénés du fait même de leur condition. Le langage, la technologie et l’art enseignent aux gens à articuler, voire à célébrer leur aliénation indéracinable5 .» L’existence humaine est et a toujours été médiatisée par des construits artificiels, du langage à tous les modes technologiques. À mesure que se développent de nouvelles façons de voir le monde qui nous entoure et d’interagir avec lui, les formes qui assurent la médiation entre les humains et...

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