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Le renouveLLeMent des dynaMiques cooPératives africaines LES COOPÉRATIVES D’HABITAT AU SÉNÉGAL Abdou Salam Fall1 Contrairement à ce qui s’est passé dans de nombreux autres pays du Sud et d’autres continents, les dynamiques coopératives au Sénégal se sont inscrites dès le départ dans un projet de société distinct et ont été portées par un courant idéologique présumé de rupture avec les formes de domination sur les classes populaires. En revanche, alors qu’au début des indépendances les coopératives étaient conçues comme moyen d’éducation populaire par l’État, il a fallu se distancier de cette fonction politique puis se contenter d’un accompagnement incitatif et non directif. Un tel cheminement a plombé, pour une large part, la constitution d’un mouvement coopératif fort. Les facteurs irritants de la crise, en particulier les formes de résistance insufflées par la précarisation des couches moyennes, sonnent le renouveau des coopératives qui, malgré leur essor actuel, peinent néanmoins à réhabiliter le projet politique initial. Ce texte2, qui se veut un état des lieux, met l’accent sur les dynamiques coopératives au Sénégal en général et sur la coopérative d’habitat en particulier pour en mesurer le potentiel d’emploi et de croissance. Le cadre théorique qui l’inspire s’appuie sur l’analyse développée par Norbert Elias (1987) qui a mis au point «la contrainte sociale à l’autocontrainte ». Les dynamiques coopératives qui participent de cette «épargne forcée» (Kane, 2000) se fondent sur: 1. Sociologue, chercheur à l’Institut fondamental d’Afrique noire (IFAN) de l’Universit é Cheik Anta Diop au Sénégal, coordonnateur du réseau Création de richesses en contexte de précarité (CRCP), membre de l’Alliance de recherche universitéscommunaut és de l’Université du Québec en Outaouais (UQO) et président du Réseau intercontinental de promotion de l’économie sociale et solidaire (RIPESS). 2. Les enquêtes qui ont permis de réaliser cet article ont été soutenues par le Department for international development britannique (DFID) et le Higher Institute for Labour Studies (HIVA) de l’Université de Leuven. 122 L’Afrique qui se refait •฀ la logique économique du fait de l’efficience visée; •฀ la prise de position politique de par l’autonomie organisationnelle et l’alternative de la réponse aux carences des politiques; •฀ la logique sociale par la confiance qui se construit tout autant que la solidarité de classe qui les fonde. Les dynamiques coopératives sont définies au sens large comme toutes les pratiques de personnes qui s’associent pour faire face à un besoin commun (ponctuel ou permanent) selon des procédés mutualistes ou solidaires faisant de la réponse aux besoins d’insertion économique la finalité sociale de cette entreprise commune. Dans un premier temps, nous tenterons de reconstituer les étapes de l’évolution des coopératives, puis, dans un deuxième temps, nous rendrons compte de la configuration actuelle des coopératives en insistant sur les coopératives d’habitat urbain. Par la suite, nous nous pencherons sur le rôle des coopératives dans la protection sociale de ses membres dans l’environnement d’une massification de la pauvreté dans les villes. En conclusion, nous proposerons, sous forme d’essai, une mise en perspective des conditions de durabilité et de croissance des coopératives. 1. les coopératIves au sénégal : une réhabIlItatIon en cours Pour bien saisir l’évolution des coopératives au Sénégal, il faut remonter aux années 1960, qui ont vu deux tendances idéologiques s’affronter chez les élites dirigeantes: d’une part, le courant «assimilationniste» dont la figure de proue reste Léopold Sédar Senghor, le premier président du Sénégal favorable au modèle de rattrapage de l’Occident, et, d’autre part, le courant «nationaliste» incarné par Mamadou Dia, président du Conseil du gouvernement issu des indépendances, qui visait à asseoir les bases d’un État social. Les dynamiques coopératives constituaient un levier essentiel de ce dispositif nationaliste en faveur des classes populaires. .. Les coopératives inscrites dans un projet politique«Par son action éducative, la coopération forme l’homme sans le déraciner , en lui donnant le goût de l’initiative personnelle, le sens des responsabilités en même temps qu’elle...

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