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CONJONCTURE INTERNATIONALE SOCIÉTÉ CIVILE ET ÉTATS, DÉMOCRATIE ET DÉVELOPPEMENT Louis Favreau et Daniel Tremblay1 La région de Sundarban borde la baie du Bengale, jusqu’à la frontière méridionale du Bangladesh et au-delà, dans l’État indien du Bengale de l’Ouest. Son nom signifie la« belle forêt ». Le tigre royal du Bengale, fauve à l’élégance altière, vif, puissant et souvent féroce subsiste encore ici dans son habitat naturel. L’espèce a été décimée, mais une loi de protection interdit désormais de le chasser. Le Sundarban est aussi célèbre pour son miel sauvage, produit en grandes quantités par des essaims d’abeilles qui nichent dans les arbres. Les habitants de la région, l’une des plus pauvres du monde, montent des expéditions en forêt pour y récolter le miel qu’ils revendent, en ville, jusqu’à [plus ou moins un dollar] par bouteille. Mais les chasseurs de miel doivent échapper aux tigres. Dans une année « moyenne », une cinquantaine d’entre eux sont tués. Parfois, le nombre des victimes est beaucoup plus considérable. Si les tigres sont protégés, ce n’est pas le cas des miséreux qui tentent d’améliorer leur sort en s’aventurant dans cette forêt si belle, si profonde et si périlleuse. […] Si la pauvreté pousse les êtres humains à affronter de tels risques – jusqu’à en mourir, dans d’horribles circonstances – pour recueillir l’équivalent, en roupies, de quelques [sous], toute réflexion consacrée aux droits démocratiques n’est-elle pas déplacée ? Version libre d’un passage du livre de Amartya Sen, Development as Freedom (1999) et traduit en français sous le titre Un nouveau modèle économique. 1. Louis Favreau est sociologue, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en développement des collectivités (CRDC) à l’UQO et coordonnateur du réseau CRCP. Daniel Tremblay est politologue à l’UQO, membre du Centre de recherche sur le développement territorial (CRDT) et membre associé à l’équipe canadienne du réseau CRCP. Ce texte s’inscrit dans le cadre du programme de recherche CRCP. 48 Le Sud… et le Nord dans la mondialisation Dans le domaine des relations internationales, de nombreux travaux publiés depuis le début des années 1990 font appel à des mots comme« turbulence », « désordre » ou « dérive », ou à des termes à connotation plus marquée comme « chaos » ou « anarchie », ou même « apocalypse », pour décrire l’état du monde dans lequel nous vivons présentement. Qu’on la considère justifiée, alarmiste ou même millénariste, cette façon de décrire notre environnement international est symptomatique. Nous vivons en effet dans un monde à tout le moins complexe et instable, ce qui suscite un sentiment d’insécurité chez une large partie de la population. Sans vouloir examiner la situation dans le détail, ce qui serait impossible en quelques pages, on peut néanmoins soumettre l’hypothèse que l’un des facteurs à l’origine du sentiment d’insécurité qui règne présentement , et que certains s’emploient manifestement à entretenir et à exploiter, réside dans la multiplication et la diversification des acteurs qui interviennent sur la scène internationale. Ce phénomène a pris de l’essor après la Deuxième Guerre mondiale et s’est nettement accéléré à partir du milieu des années 1970 (Volgy et Bailin, 2003). Il est d’ailleurs préférable, sans doute, d’utiliser plutôt le terme « mondial » dans ce contexte-ci, puisque cette « scène » n’est occupée qu’en partie par les acteurs politiques (chefs d’État, diplomates, représentants officiels d’organisations intergouvernementales comme l’ONU, l’OCDE ou l’Union europ éenne). De fait, notre monde est plus que jamais sillonné de flux transnationaux qui échappent partiellement et parfois même totalement au principe de la souveraineté étatique (Badie et Smouts, 1999 ; Rosenau, 1990). C’est dans ce contexte qu’il convient de situer la progression qu’a connue, au cours des dernières décennies, et encore plus visiblement au cours des dernières années, ce qu’il est maintenant convenu d’appeler la« société civile ». Il est certain qu’en employant cette expression, on pourrait mettre un effort considérable à essayer de la définir et on ne parviendrait probablement pas à trouver une d...

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