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LES ASSOCIATIONS DE SOLIDARITÉ INTERNATIONALE DANS LA COOPÉRATION NORD-SUD UN DÉVELOPPEMENT DÉPENDANT? Odile Castel 1 L’intervention croissante des associations de solidarité internationale (ASI)137 dans le processus de développement et l’évolution des sociétés, tout particulièrement dans les pays du Sud, est un fait aujourd’hui largement reconnu. Si celles-ci ont longtemps agi discrètement, que ce soit dans l’urgence humanitaire ou en réponse à des situations ponctuelles de détresse, elles s’impliquent désormais de plus en plus dans le champ des interventions sociales et économiques et revendiquent, à ce titre, leur identité et leur conception propre dans le monde des acteurs de la coopération internationale Nord-Sud. Cette montée en puissance des ASI, leur importance institutionnelle, leur diversification organisationnelle, l’éventail de leurs activités qui ne cesse de s’élargir et de se modifier, ne manquent pas de poser nombre d’interrogations. Elles bénéficient aussi d’une reconnaissance grandissante, puisque l’aide publique au développement passe de plus en plus par elles, même si les flux financiers Nord-Sud qu’elles gèrent restent très faibles. Par des relations de solidarité Nord-Sud, ces associations mettent en œuvre dans les pays du Sud des activités économiques et sociales que l’on peut inclure dans l’économie solidaire. En effet, trois motifs sous-tendent les activités économiques : l’enrichissement personnel par le principe de maximisation du profit, le partage par le principe de redistribution et la solidarité par le principe de 1. Odile Castel est économiste à l’Université de Rennes 1 en France. 2. L’expression ASI a été préférée à celle d’ONG, car le texte ne porte que sur les associations mettant en œuvre des projets de développement dans les pays du Sud. Débats d’aujourd’hui sur l’altermondialisation 325 réciprocité3. La maximisation du profit qui permet l’enrichissement personnel est le principe par lequel un entrepreneur (propriétaire des moyens de production) investit dans la production de biens et de services, afin d’en dégager le profit le plus élevé possible. Pour cela, il doit vendre sa production sur le marché, où il la valorise à sa valeur d’échange, mais une condition est nécessaire pour que son offre corresponde à une demande solvable. La redistribution est le principe selon lequel la production de biens et de services se fait dans le but de la partager entre tous les membres d’une population. « La redistribution désigne des mouvements d’appropriation en direction d’un centre puis de celui-ci vers l’extérieur » (Polanyi, 1975 [1957]). Ce principe suppose donc l’existence d’une autorité, souvent l’État, qui collecte les impôts et distribue de façon équitable des prestations sociales et des services publics gratuits. Mais,« la redistribution peut également être pratiquée dans un groupe moins important que la société globale, indépendamment de la manière dont l’économie est intégrée dans son ensemble » (idem). Enfin, la réciprocité est le principe par lequel la production est donnée à d’autres dans un esprit de solidarité, c’est-à-dire dans une relation entre personnes ayant conscience d’une communauté d’intérêts qui entraîne l’obligation morale de ne pas desservir les autres. Pour cela, « on ne donne pas pour recevoir, on donne pour que l’autre donne » (Kolm, 1984). « La réciprocité soustend des mouvements entre points de corrélation de groupes symétriques » (Polanyi, 1975 [1957]), c’est-à-dire que la réciprocité repose toujours sur des formes symétriques de l’organisation sociale de base. Au travers de la suite durable de dons entre personnes ou formes symétriques de l’organisation sociale, la production donnée est valorisée à sa valeur d’usage ou symbolique. Seules les activités économiques relevant des motifs de solidarité et/ou de partage composent l’économie solidaire, car la recherche de l’enrichissement personnel est incompatible avec des valeurs de solidarité et de partage. Les ASI sont les maîtres d’œuvre d’activités économiques et sociales réalisées par des populations bénéficiaires qu’elles cherchent à organiser. Elles lancent donc dans les pays du Sud des activités qui reposent sur 3. Pour un exposé de cette grille de lecture des activités économiques, voir le texte suivant : Castel, O. (2003). La dynamique institutionnelle...

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