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LE FORUM SOCIAL MONDIAL ET L’ALTERMONDIALISME Pierre Beaudet 1 Au début de 2004 à Mumbai en Inde avait lieu la quatrième édition du Forum social mondial (FSM), cet étonnant rassemblement des mouvements sociaux du monde entier. Depuis 2001 en effet, un gigantesque processus de construction culturelle et politique a été mis en place, d’abord au Brésil et depuis dans plus de cinquante pays à travers les cinq continents . Aujourd’hui, le FSM n’est plus simplement un rassemblement annuel, mais une démarche qui dure à longueur d’année, qui se déroule dans plusieurs dizaines de villes et de pays, et qui reconstruit de plusieurs manières la problématique des mouvements sociaux et de l’altermondialisme . Au Québec et au Canada, ce sont plusieurs centaines d’organisations populaires et de syndicats qui sont engagés dans une démarche à la fois locale et internationale. 1. IL ÉTAIT UNE FOIS PORTO ALEGRE … Au début de 2000 avait lieu à Paris une rencontre impromptue entre des représentants de mouvements populaires brésiliens et Le Monde diplomatique 2. À peu près en même temps, le « Forum mondial des alternatives », animé par Samir Amin, organisait à Davos une rencontre pour faire la critique du « Forum économique mondial », le principal think-tank de la mondialisation néolibérale3. 1. Pierre Beaudet est le directeur général d’Alternatives. 2. Bernard Cassen qui était du groupe a raconté sa version personnelle de l’histoire dans : Cassen, B. (2003). Tout a commencé à Porto Alegre, Paris, Mille et une Nuits. 3. Le Forum économique mondial réunit à Davos en Suisse plusieurs milliers de participants venant principalement des gouvernements et du monde des affaires. Il sert habituellement de caisse de résonance pour les décideurs politiques et économiques et aussi comme événement médiatique pour imprimer sur l’opinion publique mondiale les grandes orientations élaborées pour consolider le néolibéralisme. 304 Altermondialisation, économie et coopération internationale Un an plus tard (janvier 2001) était convoqué à Porto Alegre, dans le sud du Brésil, ce qui allait devenir le FSM. Plus de 15 000 personnes furent du rendez-vous dont une très petite délégation québécoise4 . Sans avoir une idée préconçue, les organisateurs brésiliens, dont la centrale syndicale CUT, le Mouvement des sans terre (MST) et l’Association des ONG brésiliennes (ABONGE), avaient estimé nécessaire de réunir des participants du monde entier pour reprendre à une plus grande échelle l’expérience du Contre Davos. La première édition du FSM fut donc dans une large mesure l’occasion d’échanger et de discuter sur les impacts du néolibéralisme. Cependant, bien que les médias aient insisté sur cette synchronisation en présentant les deux rencontres comme les deux versants d’un même débat (le libéral et l’altermondialiste), il s’agit en fait de deux planètes différentes. L’une est orientée vers l’endoctrinement et la propagande (Davos) ; l’autre est inscrite dans la participation avec à sa base l’autodétermination des groupes en lutte, non pas d’abord contre cet endoctrinement, mais contre l’univers dont il est issu et qu’il sert. Il faut dire que l’idée du FSM tire son origine d’un processus lent mais évolutif du mouvement social mondial. En 1996 au Chiapas, le mouvement zapatiste avait organisé la rencontre « intercontinentale pour l’humanité et contre le néolibéralisme », réunissant plusieurs milliers de personnes. Par la suite, de vastes mobilisations ont mis en branle les organisations sociales du monde entier. À Seattle en 1999, au moment de la rencontre de l’Organisation mondiale du commerce, des manifestations de masse ont permis de révéler médiatiquement l’ampleur du mécontentement populaire devant l’essor de la mondialisation. En avril 2001, le Sommet des peuples des Amériques réunissait plus de 50 000 personnes, la plupart du Québec mais aussi du Canada, des États-Unis, du Mexique, du Brésil et d’ailleurs, pour élaborer un projet populaire et démocratique pour les Amériques5 . Plus tard, alors que le processus du FSM prenait son envol, d’autres manifestations énormes ont mobilisé des millions de personnes à Gênes (Italie), à Prague (République Tchèque), à Gotenborg (Suède), à Barcelone (État espagnol) et à Evian (France). Chaque fois, le rassemblement avait 4. Dont Monique Simard et Georges Lebel d’Alternatives, ainsi...

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