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MUTATIONS DU TRAVAIL, INNOVATIONS SYNDICALES ET NOUVELLES SOLIDARITÉS NORD-SUD François Lamarche 1 Quelles sont les stratégies à développer, à mettre de l’avant pour contrer le néolibéralisme ambiant, la domination du capital financier et spéculatif sur l’économie réelle, pour contrer le tout à l’économie et le« laisser-faire » du libre marché, le désengagement des États sur les plans économiques et sociaux ? Ces questions présentes dans cet ouvrage sont également celles des débats syndicaux, ici et ailleurs dans le monde. Malheureusement, les réponses ne sont pas données d’avance. Le monde s’est profondément transformé au cours des vingt-cinq dernières années et ces transformations, qui se répercutent autant à l’échelle locale qu’à l’échelle internationale, nous forcent à des remises en question, à des innovations sur le plan stratégique, à la construction de nouvelles alliances, de nouvelles solidarités, à la mise en œuvre d’alternatives partielles mais concrètes en vue de réorienter l’économie en fonction des exigences du développement social et des droits démocratiques. Dans ce texte, nous abordons ce questionnement à partir de la réalité du travail qui constitue, d’une certaine manière, le premier front de l’action syndicale. Évidemment, nous parlerons du travail et de ses transformations en référence à ce que nous vivons ici au Canada et surtout au Québec, donc à partir de la situation d’un pays du Nord. Sans doute la discussion nous permettra-t-elle de saisir à la fois les différences et les similitudes, et surtout les liens avec la réalité des pays du Sud. Donc, le présent texte aborde trois principaux points : 1) les mutations qui bouleversent le monde du travail ; 2) les nouvelles initiatives auxquelles ces bouleversements appellent ; et 3) la question des alliances ou des nouvelles solidarités qu’exigent les enjeux actuels tant au niveau local qu’au niveau international. 1. François Lamarche est conseiller syndical à la Confédération des syndicats nationaux (CSN). 236 Altermondialisation, économie et coopération internationale 1. LES MUTATIONS DU MONDE DU TRAVAIL Première question : qu’est-ce qui caractérise les mutations dans le monde du travail depuis les vingt ou vingt-cinq dernières années ? Il est difficile ici de répondre de façon exhaustive mais nous voulons, à tout le moins, souligner les caractéristiques suivantes : l’introduction des technologies de l’information, la transformation de l’organisation du travail, la redéfinition et dans certains cas la re-qualification des tâches, la polyvalence , la flexibilité, etc. Bref, on a assisté au cours des deux dernières décennies à des mutations majeures dans les processus du travail, visant à la fois à en accroître la productivité, la qualité et jusqu’à un certain point l’intensité. En réalité, ces changements sont aiguillonnés et s’accélèrent avec la croissance de la concurrence sur les marchés internationaux, avec la déréglementation et l’élargissement des zones de libre-échange, avec la mainmise qu’exerce un capital financier devenu très mobile et cherchant la rentabilité à court terme. Dans ce contexte, les droits acquis par les salariés sont mis en cause. Les salaires stagnent et même, dans bien des cas, régressent depuis les vingt dernières années. L’objectif en matière d’investissement est aussi de réduire les coûts de la main-d’œuvre. Les pressions sur le niveau d’emploi sont devenues constantes même dans les moments de croissance économique. On procède à des mises à pied. Les liens d’emploi se fragilisent, se précarisent. Par exemple, au Québec, plus du quart des salariés n’ont pas de statut d’emploi régulier. En même temps, les entreprises procèdent à des restructurations, externalisent une partie de leurs activités avec le recours à la sous-traitance ou encore relocalisent leurs opérations là où les coûts de main-d’œuvre sont moins élevés. En réalité, on assiste depuis la fin des années 1970 à l’éclatement du contrat implicite entre le capital et le travail qui s’était instauré au cours des trente années de croissance qui avaient suivi la Seconde Guerre mondiale (nous pensons ici à ce que les sociologues ont appelé le compromis fordiste). Dans plusieurs pays développés, le mouvement syndical se retrouve sur la défensive. Au mieux, les taux de...

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