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C H A P I T R E 11© 2004 – Presses de l’Université du Québec Édifice Le Delta I, 2875, boul. Laurier, bureau 450, Sainte-Foy, Québec G1V 2M2 • Tél.: (418) 657-4399 – www.puq.ca Tiré de: L’imaginaire urbain et les jeunes, Sous la direction de Pierre-W. Boudreault et Michel Parazelli, ISBN 2-7605-1293-2 • D1293N Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés POUR TROIS GRAINES D’ÉTERNITÉ… Contribution à une anthropologie de la mort adolescente THIERRY GOGUEL D’ALLONDANS, professeur Université Marc-Bloch, Strasbourg 2 Hoydt dit : « Nathan est persuadé qu’il va se faire tuer. » Benbow regarde Nathan en haussant les sourcils. « Et qu’est-ce qui motive cette prophétie sinistre, jeune Tirésias, l’espoir ou la peur ? » Joseph Hansen En haut des marches, p. 65 © 2004 – Presses de l’Université du Québec Édifice Le Delta I, 2875, boul. Laurier, bureau 450, Sainte-Foy, Québec G1V 2M2 • Tél.: (418) 657-4399 – www.puq.ca Tiré de: L’imaginaire urbain et les jeunes, Sous la direction de Pierre-W. Boudreault et Michel Parazelli, ISBN 2-7605-1293-2 • D1293N Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés 260 L’IMAGINAIRE URBAIN ET LES JEUNES L’accroissement général de l’espérance de vie a modifié les comportements et les responsabilités de la classe d’âge que nous nommons « adolescence ». Les représentations de la mort, à ce moment de la vie, en témoignent. En effet, l’abandon progressif des rites de passage traditionnels, les mutations sociales induites par la notion même d’adolescence et les nouvelles modes et sociabilités juvéniles colorent et donnent à la Mort des visages bien particuliers. Les jeunes apprivoisent donc, aujourd’hui, la mort de manière bien plus spécifique qu’hier. L’adolescence, sauf circonstances particulières mais non exceptionnelles comme les guerres, les épidémies ou les maladies, n’est pas, ou plus, l’automne de la vie. « C’est l’âge des espérances et des chimères, comme on dit » écrit déjà à dix-sept ans Arthur Rimbaud à son maître, Théodore de Banville (1960, p. 341). L’innocence prétendue de l’infans cède la place aux spleens de la puberté avec ses florilèges de remaniements psychophysiologiques et de quêtes. Les visages de la grande faucheuse, à cet âge, sont alors émaillés et colorés par les préoccupations juvéniles du moment, même si Thanatos n’est jamais très éloigné de son frère Éros. Le masque de la mort n’est ni vieux, ni ridé, il n’a – pour tout dire – guère de poils au menton. Pourtant, la Camarde, elle aussi, va vieillir et subir les outrages du temps, comme des époques. DÉLIQUESCENCE DES RITES DE PASSAGE Les flirts avec les morts imaginaires, symboliques, réelles sont concomitants de la vie ; pourquoi l’espace adolescent y échapperait-il ? Toutefois, l’adolescent moderne s’y frotte bien différemment des jeunes de jadis ou naguère. Bien des paramètres permettent de le souligner ; nous n’en évoquerons , dans la seule dimension anthropologique, que trois : la déliquescence des rites de passage, les mutations induites par la notion même d’adolescence et, surtout, l’impact des modes et sociabilités juvéniles. Nous avons, grâce aux ethnologues, de nombreuses études des mœurs et coutumes de sociétés traditionnelles. Mais c’est à l’un d’entre eux, le folkloriste Arnold van Gennep ([1909] 1981), que nous devons, en 1909, le concept de rites de passage. Cette conceptualisation va au-delà d’un inventaire et du constat que tout groupe social gère rituellement les épreuves de la vie pour survivre. En effet, l’intérêt de cette notion est double : d’une part, les rites de passage permettent d’apprivoiser la mort (les morts symboliques atténuent l’impact de la mort réelle) et, d’autre part, toute société a nourri et continue de nourrir de telles modalités (même si reste vivace l’hypothèse, pour la modernité avancée, d’une évolution des rites de passage aux passages sans rites). [3.140.198.173] Project MUSE (2024-04-25 06:06 GMT) POUR TROIS GRAINES D’ÉTERNITÉ… 261© 2004 – Presses de l’Université du Québec Édifice Le Delta I, 2875, boul. Laurier, bureau 450...

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