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C H A P I T R E Adaptation et non transfert Philippe Jonnaert Université du Québec à Montréal et CIRADE jonnaert.philippe@uqam.ca 11 [3.144.232.160] Project MUSE (2024-04-18 20:48 GMT) Adaptation et non transfert 199 De nombreux textes, articles, ouvrages de vulgarisation, thèses ou mémoires, participent à un échafaudage théorique et empirique à propos de la notion de transfert. Cela signifie-t-il que cette notion soit pertinente ? Les fondements de cette notion ancienne remontent déjà au début du siècle dernier ; le concept est donc tenace. Malgré l’absence de définition claire et la rareté de résultats de recherches qui permettraient de le valider, le transfert est présent dans de nombreux discours actuels sur l’école et ses finalités, mais aussi dans de très nombreux écrits sur l’apprentissage scolaire. Le transfert résiste aux effets de mode, traverse les courants pédagogiques, se moque de l’absence de validation expérimentale et a la vie longue. Ferait-il partie de la mythologie de l’école ? 1. Au-delà de l’isomorphisme des situations, la contextualisation La notion de transfert trouve ses assises dans les travaux de comportementalistes comme Thorndike qui, au début du XXe siècle, posaient l’hypothèse que plus la similitude entre deux tâches est grande, plus les comportements acquis dans l’une peuvent être transf érés à l’autre. Presque un siècle plus tard, cette hypothèse n’est pas confirmée. Au contraire, les résultats de travaux actuels à propos de l’isomorphisme des situations semblent plutôt l’infirmer. Des outils d’analyse comme ceux utilisés dans Jonnaert (1997), Jonnaert et Laveault (1994) et Baffrey-Dumont (1996) permettent de décoder la structure de la situation proposée aux étudiants par les enseignants. Il est aujourd’hui clairement établi que l’isomorphisme de deux situations ne permet en rien de prédire le transfert des connaissances construites dans une situation vers leur utilisation dans une autre situation isomorphe à la première (Richard, 1990). Très peu de transferts de connaissances, voire le plus souvent pas du tout, sont observés par les chercheurs entre des situations isomorphes ou quasi isomorphes. Il s’agirait, si la notion de transfert était pertinente, de l’orienter dans une tout autre direction que celle qui consisterait à mettre en correspondance une « tâche source » et une « tâche cible ». Pourtant, des définitions très répandues du transfert, comme celles de Tardif (1999) ou de Presseau (1998), laissent voir un lien avec l’approche béhavioriste évoquée. Pour ces auteurs, le transfert renvoie aux mécanismes cognitifs qui permettent l’utilisation dans 200 Constructivisme – Choix contemporains une tâche cible de connaissances construites par un sujet dans une tâche source. Ces auteurs se réfèrent fondamentalement à cette mise en correspondance entre deux types de tâches : dans l’une, la tâche source, le sujet se serait construit des connaissances ; dans l’autre, la tâche cible, il opérerait un transfert de ses acquis. Au-delà des situations, Mendelson (1994, 1996) insiste sur le contexte. Pour lui, les connaissances sont inscrites dans le contexte dans lequel elles trouvent leur signification : elles sont situées. Le transfert serait alors ce mécanisme qui permettrait l’utilisation dans un nouveau contexte de connaissances construites antérieurement. Ces propos font écho au courant de l’intelligence située (Pea, 1993 ; Perkins, 1991, 1995, 1996 ; Salomon, 1993 ; Wilson, 1996). Dans cette perspective, la situation n’est qu’un des éléments du contexte. Ce dernier regorge de ressources et de contraintes non exclusivement cognitives et qui ne sont pas que le résultat d’un hypothétique traitement de l’information. Une simple et technique mise en correspondance d’une tâche source avec une tâche cible n’est pas suffisante. L’utilisation réductrice de connaissances mécaniquement encodées en mémoire à long terme ne peut tout expliquer. Elle n’expliquerait même rien du tout et ne serait qu’une utopie : une connaissance peutelle être viable dans l’absolu ? Au-delà de l’isomorphisme des situations, il s’agit plutôt de parler de mise en contexte des connaissances construites par une personne (Jonnaert, 1996). La contextualisation des connaissances semble déterminante pour comprendre la façon dont un sujet utilise ce qu’il a appris. Car c’est bien l...

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