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C H A P I T R E 8 Les discours sur la réforme éducative au Québec Une mise en débat des postures spécifiques des différents acteurs concernés par les savoirs en éducation Suzanne Vincent Université Laval et CIRADE suzanne.vincent@fse.ulaval.ca 202 Les réformes curriculaires RÉSUMÉ Dans ce chapitre, Suzanne Vincent soulève la question de la distance entre les différents discours entendus à propos de la réforme éducative au Québec et choisit de mettre celle-ci en débat à partir de l’examen des postures spécifiques des acteurs, selon qu’ils participent de la culture des décideurs et des gestionnaires, de la culture des chercheurs ou de celle des enseignants, ces désignations faisant écho aux propos de Martinand qui parle de didactique normative, de didactique critique et prospective, et de didactique praticienne. S’appuyant sur les rhétoriques déployées au regard du curriculum, l’auteure tente de situer les logiques qui inspirent l’action des uns et des autres au quotidien et d’en affirmer la légitimité, sur la base de la reconnaissance de la singularit é, mais aussi sur celle de la divergence des projets respectifs de chaque type d’acteurs. Plutôt que de gommer l’existence de différences entre ces logiques ou d’en montrer le caractère irréconciliable , l’auteure milite en faveur d’un ethos de collaboration susceptible de dépasser les oppositions, par la création d’espaces médiateurs entre les différentes cultures, espaces occupés par les acteurs dits « interface » au sein de chacune des cultures. [3.23.101.41] Project MUSE (2024-04-26 02:11 GMT) Les discours sur la réforme éducative au Québec 203 Plutôt que de nous investir dans l’analyse du contexte d’élaboration ou dans le contenu d’un programme d’études, dans son enracinement historique ou ses ancrages épistémologiques, nous choisissons délibérément de débattre, dans le cadre d’une réflexion libre, la question du sens des discours formulés au regard de la réforme éducative entreprise au Québec, plus particulièrement en ce qui concerne la rénovation des programmes d’études de l’enseignement obligatoire. Ces discours, qui participent de la «noosphère » pour utiliser l’expression de Chevallard (1985), émanent pour une bonne part d’universitaires et d’enseignants. Ils mettent en cause, souvent de manière énergique, certains des choix fondamentaux effectués, ce qui donne lieu, en retour, à un propos défensif et justificateur des orientations retenues par les décideurs-réformateurs du système. Qu’en est-il de la teneur de ces discours ? Doit-on les interpréter comme étant des points de vue réactionnels formulés par des acteurs individuels ou, comme nous sommes portée à le penser, les apprécier en lien avec les postures institutionnelles endossées au sein des cultures d’appartenance auxquelles appartiennent ces acteurs ? C’est sur cette dernière hypothèse que nous choisissons de miser en alléguant que les objections et les critiques qui émanent de ces discours relèvent plus des modes de penser et d’agir développés au sein de projets spécifiques à l’une et à l’autre cultures, lesquelles témoignent de manières différentes d’envisager le renouvellement du rapport au savoir et les pratiques éducatives de l’école. Une telle distinction entre les cultures d’appartenance fait d’ailleurs écho au propos de Martinand (1992) concernant la différenciation des postures des acteurs selon qu’ils appartiennent à l’une ou à l’autre institution d’attache. Ce dernier invoque en effet les concepts de « didactique normative » pour parler des perspectives soutenues par les décideurs et les gestionnaires de l’éducation, de « didactique critique et prospective » dans le cas des chercheurs et de « didactique praticienne » dans le cas des enseignants. Le présent propos, qui se veut tout aussi compréhensif que critique, est basé sur des études et des témoignages existants, mais il s’appuie aussi largement sur la connaissance que nous avons des habitus et des motivations endossés au sein de ces trois cultures institutionnelles – celle des décideurs-réformateurs, celle des universitaires et celle des enseignantspraticiens –, notre parcours socioprofessionnel personnel nous ayant permis d’y participer « de l’intérieur ». Il tente d’apporter un éclairage sur la dynamique qui anime actuellement...

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