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Chapitre 5_Les moments charnières
- Presses de l'Université du Québec
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LES MOMENTS CHARNIÈRES Il ne fait aucun doute que la Stratégie nationale de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale et l’adoption du projet de loi 112 (Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale) marquent l’aboutissement d’un long processus ponctué d’événements clés. LE SOMMET SUR L’ÉCONOMIE ET L’EMPLOI DE 1996 Au cours des années 1990, le Québec a dû faire face à l’obligation de résoudre une série de problèmes d’ordre social, politique et économique: déficit budgétaire, crise des finances publiques, crise de l’emploi, baisse de sa cote de crédit auprès des agences de cotation internationales, augmentation de la pauvreté, multiplication des demandes d’aide sociale, perte de confiance dans les institutions étatiques, etc. Cet ensemble de défis a inspiré au gouvernement une tentative de rallier les forces sociales en proposant une démarche de concertation conçue en deux étapes et auxquelles ont participé les principaux groupes constitutifs de la société1 . À la Conférence sur le devenir social et économique du Québec, tenue au mois de mars 1996, on a pu atteindre un consensus sur la nécessité de redresser les finances publiques et d’éliminer le déficit budgétaire au cours de l’année 1999-2000 (le slogan du déficit zéro). Les dissensus sur les moyens d’y parvenir n’ont pas empêché que soit instituée une commission d’étude sur la fiscalité et le financement des services publics. Mais c’est aux grands chantiers sur l’économie et sur 5 C H A P I T R E 1. Citons, entre autres, les associations patronales, les organisations syndicales, les groupes de femmes, les associations étudiantes, les organismes communautaires, le milieu de l’éducation , les milieux religieux, les groupes de défense des droits, etc. 130 CITOYENNETÉ ET PAUVRETÉ l’emploi qu’a été confié le mandat d’élaborer les recommandations qui auront été analysées et débattues au cours du Sommet sur l’économie et l’emploi du mois d’octobre 1996. Le consensus global permettait désormais au gouvernement: • d’assainir les finances publiques; • de concevoir des actions pour relancer l’emploi et améliorer la compétitivit é; • d’adapter les services publics aux besoins d’une société en pleine mutation; • de renforcer la solidarité entre les acteurs économiques et de diminuer les inégalités; • enfin, de développer la conception d’un «État visionnaire», «stratège»,«efficace» et «souple». L’organisation du Sommet de 1996 témoigne autant de la vitalité de la démocratie québécoise que de la capacité de la société à se rallier à un projet devant mener à une réflexion collective sur son avenir social, politique et économique. Les participants ont, au regard du développement économique et de l’emploi, convenu d’une répartition des responsabilités entre les paliers local, régional et national, alors que la relance de l’économie, la création d’emplois et la réduction de la pauvreté se sont profilés comme des enjeux majeurs de l’action gouvernementale. Néanmoins, la réunion autour d’une même table de forces sociales hétérogènes, d’acteurs et de groupes d’acteurs avec des positions, des visions et des rationalités divergentes a contraint le gouvernement à faire plusieurs concessions. D’abord, on s’est entendu sur le fait que la poursuite de l’objectif du déficit zéro ne pouvait aucunement évacuer l’obligation de protéger les personnes ayant des contraintes sévères à l’emploi. Ensuite, que les compressions à effectuer dans les programmes sociaux avaient comme limite ou contrepoids l’application de la clause d’appauvrissement zéro exigée par plusieurs groupes de la société civile, en particulier par les groupes communautaires et de défense des droits. Enfin, tout en inscrivant le projet de réforme dans un contexte de réduction des dépenses publiques, le gouvernement s’est engagé à indexer les prestations d’aide sociale et à abolir la réduction du montant de l’aide sociale pour le partage d’un logement. Les dynamiques mises en œuvre ont produit de nouveaux référents sociaux, politiques et économiques. La relance de l’économie et les services de proximité apparaissent comme la pierre d’assise du développement local. Le partenariat, la concertation et l...