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Introduction. Les grands projets et le destin métropolitain
- Presses de l'Université du Québec
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INTRODUCTION LES GRANDS PROJETS ET LE DESTIN MÉTROPOLITAIN Claude Manzagol Université de Montréal Gilles Sénécal INRS-Urbanisation, Culture et Société© 2002 – Presses de l’Université du Québec Édifice Le Delta I, 2875, boul. Laurier, bureau 450, Sainte-Foy, Québec G1V 2M2 • Tél. : (418) 657-4399 – www.puq.uquebec.ca Tiré de : Grands projets urbains et requalification, Gilles Sénécal, Jacques Malézieux et Claude Manzagol (dir.), ISBN 2-7605-1184-7 Nécropolis était le futur des villes : en ce début de tr oisième millénaire, la prédiction de Lewis Mumford n’est pas avérée (Mumford, 1938). C’est le temps de l’ef fervescence métropolitaine. Déjà plus de 20 mégapoles dépassent les 10 millions d’habitants. Si la cr oissance est surtout effrénée dans les pays du Sud, elle est souvent spectaculair e dans les pays développés ; le recensement américain de 2000 révèle des formes de croissance nouvelles qui enrichissent le vocabulair e pour les désigner : aux edge cities et technoburbs s’ajoutent les boomburbs, les edgeless cities, etc. Le pessimisme de Lewis Mumford n’était cependant pas totalement injustifié ; le fulgurant essor contemporain comporte une face moins attrayante : il s’accompagne de désordres, de dysfonctionnements, de plaies multiples. L’espace métropolitain semble en pr oie au désor dre, au chaos parfois, mais il est des commentateurs pour y lir e l’émergence d’un nouvel ordre métropolitain, dont Los Angeles serait l’incarnation : la métr opole de demain serait étalée, horizontale, formée de cellules autonomes, tout à l’automobile et ouverte sur un monde global (Dear , 2002). Los Angeles 2 Grands projets urbains et requalification© 2002 – Presses de l’Université du Québec Édifice Le Delta I, 2875, boul. Laurier, bureau 450, Sainte-Foy, Québec G1V 2M2 • Tél. : (418) 657-4399 – www.puq.uquebec.ca Tiré de : Grands projets urbains et requalification, Gilles Sénécal, Jacques Malézieux et Claude Manzagol (dir.), ISBN 2-7605-1184-7 est alors décrite comme une dispersed metropolis, où la pr oportion des emplois concentrés dans les pôles serait en régr ession (Gordon et Richardson, 1996). L’archétype angelino s’oppose ainsi aux anciennes métropoles industrielles qui, à l’instar de Chicago et de Montréal, conservent une forme urbaine centralisée et dense. Celles-ci r estent néanmoins aux prises avec les héritages du passé, devant simultanément résorber les passifs accumulés et inventer l’avenir . Aussi, les grandes villes contemporaines appellent-elles les grands chantiers. Beaucoup d’entr e eux en vérité ne pr oduisent que du tissu urbain, hors de toute perspective globale ; il en va ainsi de la pr oduction de nombreuses franges métropolitaines aux États-Unis où l’expansion se fait par addition de masterplanned communities de quelques centaines de résidences accompagnées ou non des aménités de base. Mais nombr eux aussi sont les grands chantiers qui interpellent et impliquent les acteurs urbains parce qu’ils donnent du sens à la ville et à sa transformation: dans ce sens-là, on peut parler de grands pr ojets. Chantiers innombrables, les grands projets visent de plus en plus à r equalifier les espaces dégradés et à réparer les err eurs urbanistiques des années 1960-1970, dues aux approches fonctionnalistes en aménagement. L’héritage des anciens syst èmes productifs est lourd à porter, inégal il est vrai selon leurs spécificités: on recycle plus facilement des fabriques textiles que des hectar es pollués par la chimie et la métallurgie lourde, mais les entassements de poutrelles tordues et les carcasses rouillées des bâtiments sur les bor ds de la rivière Rouge témoignent que des décennies de fordisme ont aussi laissé des traces empoisonnées. Ces anciens quartiers industriels, à mesur e qu’ils s’enfon- çaient dans l’obsolescence, ont engendré les friches sociales : exode des emplois, des travailleurs qualifiés, extension du chômage, péjoration sociale, apparition de la délinquance, etc., les aires péricentrales des villes nord-américaines, les vieilles cités industrielles eur opéennes n’ont que trop connu ce destin. Les aires péricentrales en Amérique du Nord ont été l’objet d’un désinvestissement...