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© 2001 Presses de l’Université du Québec CHAPITRE 1 ART ET POLITIQUE UN LIEN INTERROGÉ Marie-Pier Huot Comment la réflexion sur l’art ou sur les pratiques artistiques peutelle redéfinir et élargir l’interrogation sur le politique ? Nous tenterons ici de répondre à cette question en réfléchissant sur la relation entre l’art et le champ politique, en posant donc d’autres questions : En quels termes et de quelle manière peut-on penser cette relation ? Quel en est le mode de passage ? Il est important de s’intéresser à cette relation car le champ de l’art fait de plus en plus l’objet des réflexions contemporaines sur les rapports possibles entre subjectivité, pratique, éthique, théories et cité. Un ensemble appréciable de recherches portent en effet sur l’art, sa signification et sa portée au sein des sociétés et du savoir occidentaux . À titre d’exemple, un juriste, en posant une médiation entre l’art contemporain et le politique, tend à définir un espace politique élargi dans lequel émergent de nouvelles pratiques et de nouvelles visions du monde1 . Des sociologues et des politologues s’interrogent sur le statut de l’art et son rôle à l’égard des institutions ou du pouvoir public2 . Le philosophe Luc Ferry cherche dans les conceptions occidentales de l’art, de l’esthétique et des figures de l’artiste une nouvelle conception politique et philosophique, mais non métaphysique de la 1. Jean-Jacques Gleizal, L’art et le politique, Paris, Presses universitaires de France, 1994. 2. Pour ne nommer que quelques-unes de ces recherches, voir Collectif, sous la direction d’Emmanuel Wallon, L’artiste, le prince. Pouvoirs publics et création, Québec / Grenoble, Musée de la civilisation de Québec / Presses universitaires de Grenoble, 1991 ; Société, « L’art et la norme », no 15 / 16, été 1996 ; Lucille Beaudry, Du politique à propos de l’art : de la modernité au postmodernisme, Université du Québec à Montréal, Département de science politique, Notes de recherche no 43, 1993 ; La part de l’œil, « Dossier : l’art et le politique », no 12, 1996, « La création », coll.« Communication », Seuil, no 64, 1997. 12 La politique par le détour de l’art, de l’éthique et de la philosophie© 2001 Presses de l’Université du Québec subjectivité3 . Des sociologues, comme Michel Maffesoli, tendent à démontrer, par une sociologie de type compréhensive, que les sociétés occidentales aujourd’hui caractérisées par la fête font œuvre d’art4 . Et il y a aussi l’ensemble des philosophies regroupées sous l’appellation de poststructuralisme ou de philosophies de la différence. Ces philosophies marquent d’ailleurs un tournant de la pensée philosophique vers l’esthétique et l’art puisque, à chaque instant et à tout moment, des auteurs comme Derrida et Lyotard nous convient à une discussion avec l’art. À titre d’exemple, Jacques Derrida interroge l’art, qu’il soit littéraire ou visuel, pour dégager et jouer avec l’identité du savoir occidental5 . Lyotard utilise des productions artistiques pour opérer des déplacements dans les conceptions que nous avons du politique6 . Jean-Luc Nancy travaille le rapport de l’art au sens comme manière d’accepter notre contemporanéité7 . L’art se présente dans ces philosophies comme une manière de problématiser le savoir politique et philosophique. En somme, qu’on l’envisage d’un point de vue pratique ou abstrait, le champ de l’art séduit beaucoup d’auteurs, dans des perspectives philosophiques, politiques et épistémologiques différentes. Ces nombreuses recherches nous poussent à élargir notre analyse politique à son rapport avec l’art. Si l’analyse politique s’intéresse à l’art, c’est parce que ce dernier se présente comme un champ d’étude où s’exerce une certaine autonomie d’action qui permet l’émergence de formes « d’expression », de langues et de représentations différentes de celles communément admises. Dans cette perspective, il nous apparaît y avoir dans ces détours par l’art un souci proprement politique, celui de trouver des manières de dire, de se représenter et enfin d’envisager autrement le vivreensemble présent dans les démocraties libérales. Mais ce souci soulève quelques interrogations quant à la manière dont l’art investit le champ du politique ou y intervient, ou...

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