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© 2001 Presses de l’Université du Québec CHAPITRE 8 L’ÉTHIQUE LA NÉGATION DE LA POLITIQUE OU SON RÉVÉLATEUR AU SEIN DE LA SOCIÉTÉ CIVILE? Guy Giroux Dans ce texte, je pose comme prémisse que s’intéresser à des domaines au départ étrangers à la science politique contemporaine peut être une façon d’interroger cette dernière et de la pousser à repenser certains de ses fondements épistémologiques et certaines de ses orientations , une façon donc de la renouveler. C’est ainsi que j’envisagerai la politique par le détour de l’éthique. J’établirai d’abord les points de divergence et de convergence de l’éthique et de la politique. Je donnerai par la suite une définition de l’éthique en tant que phénomène social. Je montrerai à cette occasion le lien qui unit l’éthique et le droit, lesquels participent tous deux au maintien de la cohésion sociale, suivant des modes de régulation qui sont toutefois étrangers l’un à l’autre. Après m’être penché sur ces questions, je considérerai le rôle de l’éthique comme révélateur possible de la politique à l’intérieur de la société civile. À cette fin, je montrerai d’abord en quoi la dichotomie État–société civile représente un schéma conceptuel utile à la compréhension de la pratique sociale de l’éthique. Cela m’amènera à esquisser deux thèses, l’une voulant que l’État exerce un rôle incontournable et universel dans la régulation sociale, et l’autre qu’un principe d’autorégulation sociétale rejoignant l’idéal démocratique soit à l’œuvre au sein de la société civile. Enfin, je conclurai mon texte par une dernière clarification conceptuelle du rôle de l’éthique comme révélateur de la politique au sein de la société civile. 118 La politique par le détour de l’art, de l’éthique et de la philosophie© 2001 Presses de l’Université du Québec 1. Une première clarification conceptuelle Avant toute chose, il faut bien s’entendre sur le sens qu’on donne aux concepts d’éthique et de politique. Rappelons d’abord quelques distinctions fréquemment admises entre l’éthique et la politique. On dira, par exemple, que l’éthique est de l’ordre du « bien » ou du « juste », alors que la politique est de l’ordre des nécessités. À ce propos, Éric Weil est d’avis que le politicien doit tenir compte du fait qu’il entre en relation avec des hommes qui sont virtuellement tricheurs, menteurs et méchants, de telle sorte que ce sont ses adversaires qui lui imposent les règles du jeu, même s’il doit toujours tenter d’élever les rapports entre les hommes dans la perspective d’un monde meilleur1 . Dans cette optique, il ne se situe pas tellement loin de Machiavel, que d’aucuns voient comme l’un des penseurs les plus influents de la science politique, bien qu’il en soit un simple précurseur, et qui disait de la conduite de la politique : Combien il est louable à un prince de respecter ses promesses et de vivre avec intégrité, non dans les fourberies, chacun le conçoit clairement. Cependant, l’histoire de notre temps enseigne que seuls ont accompli de grandes choses les princes qui ont fait peu de cas de leur parole et su adroitement endormir la cervelle des gens ; en fin de compte ils ont triomphé des honnêtes et des loyaux2 . À l’époque contemporaine, un auteur comme Pierre Lenain sugg ère que le mensonge est l’une des règles de base de la politique, dont on s’expose à être exclu en n’en tenant pas compte3 . Or, chaque fois qu’une bonne âme a suggéré qu’il fallait être honnête en politique, qu’il ne saurait être question pour le politicien d’échapper à la moralit é de l’homme « ordinaire », on en aura vu d’autres lui rappeler que la politique n’est pas faite pour les cœurs sensibles. Pensons à Pierre Elliott Trudeau pendant la crise d’Octobre, en 1970. En revanche, Fernand Dumont nous aura alertés à propos du cynisme que les citoyens prêtent souvent aux politiciens, y voyant l’une des causes de leur désintérêt pour la politique et de leur mépris pour ceux qui la font4 . Claude...

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