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C H A P I T R E DE LA BEAUTÉ,DU DÉSIR ET DE LEURS AVATARS Guy Lévesque Elles sont ainsi quelques-unes qui fleurissent uniquement pour nos rêves, parées de tout ce que la civilisation a mis de poésie, ce luxe idéal, de coquetterie et de charme esthétique autour de la femme, cette statue de chair qui avive, autant que les fièvres sensuelles, d’immatériels appétits. Guy DE MAUPASSANT L’inutile beauté (p. 62) À une époque où la beauté devient dans les sociétés occidentales de plus en plus accessible par les corrections chirurgicales esthétiques, la sexologie s’est jusqu’ici peu intéressée aux conséquences négatives de la beauté. Pourquoi s’y intéresser quand elle constitue une valeur positive partagée par toutes les cultures? Mon intérêt vient du hasard de la rencontre de deux patientes chez qui la beauté était au centre de leurs conflits, dont celui de désirer et d’être désirée. 4 66 ÉROS AU FÉMININ – ÉROS AU MASCULIN Aux fins de ce chapitre, le concept de beauté renvoie au caractère d’une personne belle1 , qui suscite une émotion, une admiration, un plaisir, qui se limite ici à l’attrait physique lié au désir sexuel2 . Il implique également la rareté. L’objet de cette présentation est de comprendre certains avatars liés à la beauté en suggérant que l’état de beauté, lorsqu’il est trop investi, peut rendre victime de l’idéalisation celui qui le possède. Il en vient à se cliver en beau/ laid, bon/ mauvais. J’orienterai la compréhension théorique vers la beauté de la femme. Après une recension des écrits portant sur les avantages, les inconv énients et le dimorphisme sexuel liés à la beauté, je m’interrogerai, dans une compréhension sexoanalytique, sur le sens de la beauté, en particulier chez la femme. Une illustration clinique suivra. DES AVANTAGES ET INCONVÉNIENTS DE LA BEAUTÉ Le phénomène de la beauté attire les chercheurs3 , particulièrement en psychologie sociale. Leurs recherches font référence à l’attraction physique . Elles peuvent différer selon qu’elles portent sur la beauté faciale ou corporelle4 . Elles mesurent le plus souvent les perceptions d’une population donnée à l’égard des personnes considérées comme belles, placées dans des situations particulières. Ces recherches peuvent également évaluer le traitement accordé aux beaux individus ainsi que leurs caractéristiques (c’est-à-dire traits de personnalité, habiletés et comportements). Je me limiterai à quelques observations. 1. De la même famille lexicale: bellot (vieilli), qui signifie beau, mignon, en parlant d’un enfant, bellâtre, qui est un bel homme, fat et niais. Notons que, par antiphrase, beau peut signifier mauvais: «être dans de beaux draps», « être un beau salaud». 2. Nous comprenons que l’attrait physique pour une personne n’est pas uniquement lié à son apparence physique, mais à la signification que peut avoir l’objet pour le sujet. De plus, l’émotion ressentie devant la beauté physique ne se limite évidemment pas au désir sexuel. 3. Eagly et al. (1991) remarquent que la bibliographie de Cash (1981) compte près de 500 entrées non redondantes sur l’attraction physique. 4. Par exemple, la recherche de Gana (1995) mesure les différences sexuelles dans les perceptions et préférences relatives aux modèles corporels féminins chez des étudiants maghrébins. [3.141.41.187] Project MUSE (2024-04-25 11:39 GMT) DE LA BEAUTÉ, DU DÉSIR ET DE LEURS AVATARS 67 On trouve, associé au stéréotype «Ce qui est beau est bon» (What is beautiful is good) observé par Dion et al. (1972), une kyrielle de recherches (voir Then, 1986, p. 2 et s.) qui montrent que les belles (attractive) personnes sont perçues comme plus sociables, plus intelligentes , plus susceptibles de réussir leur vie professionnelle, leurs rencontres et leur mariage. Elles sont vues comme plus chaleureuses, gentilles, sincères et sensibles. Un enseignant ou un conseiller qui possède un beau visage est jugé plus compétent sur le plan professionnel que des pairs moins attirants (Jackson, 1992). Pour leur part, Eagly et al. (1991), dans une méta-analyse des recherches sur ce stéréotype, concluent que les effets de la beauté varient beaucoup d’une recherche à l’autre. La différence...

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