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Ville et régulation : convergence et divergence Pierre Filion INTRODUCTION Ce texte porte sur le rapport entre ville et régulation. Nous tenterons de mettre en lumière l’influence de la ville sur l’évolution des régimes d’accumulation, en démontrant que la ville peut tout aussi bien contribuer à leur consolidation que compromettre leur émergence. À cet égard, nous mettons en évidence le lien étroit qui relie l’épanouissement du régime d’accumulation fordiste au cours des décennies d’après-guerre, les trente glorieuses, à une urbanisation de faible densité adaptée à l’automobile, c’est-à-dire au type de ville devenu prédominant depuis le début des années 1950. En outre, nous démontrons que depuis les années 1960, ce modèle, sur lequel se fonde toujours l’urbanisation, se trouve désormais déphasé par rapport aux réalités économiques après-fordistes. Nous considérons alors l’impact que l’adoption de nouvelles formes urbaines et d’un développement local à saveur communautaire peuvent avoir sur l’après-fordisme, en allégeant certaines de ses contradictions et peut-être même en induisant un semblant de régulation locale. En somme, nous traitons ici de la ville dans sa recherche de moyens pouvant amenuiser les problèmes découlant de la dérégulation de l’économie qui marque l’après-fordisme. Si la ville est devenue agent déstabilisateur au cours de la période après-fordiste, elle a eu l’effet contraire au cours des décennies fordistes d’après-guerre. Il est donc légitime de se demander si une modification des modèles d’urbanisme, de nouvelles politiques municipales et une économie communautaire émanant d’organisations locales peuvent à nouveau faire de la ville un agent régulateur. 62 Entre la métropolisation et le village global FORDISME ET APRÈS-FORDISME Nous empruntons notre grille explicative à la théorie de la régulation, dont nous allons nous contenter ici de dresser un tableau sommaire. Nous sommes tout à fait conscient du fait que cet exposé ne rend pas compte de toutes les nuances propres à cette théorie. Le concept de base de cette approche est le régime d’accumulation, le produit de mécanismes favorisant un équilibre entre deux sphères : la production et la consommation. Ces mécanismes touchent tous les aspects de la société. Habitudes, systèmes de valeurs, compromis entre groupes sociaux, cadres légaux, vie politique et mécanismes de redistribution du surplus social constituent des ingrédients essentiels à la régulation. La convergence régulatrice de ces différents mécanismes forme alors un mode de régulation (Boyer et Mistral, 1983 ; Glyn et al., 1990 ; Lipietz, 1985). Un mode de régulation est la résultante fortuite de la rencontre de ces mécanismes, plutôt que l’aboutissement d’une stratégie concertée. Il découle d’une multitude de comportements distincts adoptés par des individus et organisations, tentant chacun de maximiser ses intérêts (Bélanger et Lévesque, 1991, p. 17-8, p. 22 ; Lipietz, 1992, p. 312-313). On doit cependant se garder de conclure que les agents sociaux, politiques et économiques sont des témoins passifs de la consolidation ou de la dissolution des régimes d’accumulation. Même si tel n’est pas leur but ultime, certaines de leurs actions favorisent la régulation alors que d’autres vont dans le sens inverse. Il est aussi important de souligner les énormes différences d’impact de ces actions sur le système économique. L’importance, à cet égard, d’acteurs tels que les grandes entreprises et les gouvernements est en effet démesurée par rapport à celle d’agents mineurs tels que les petites entreprises et les consommateurs. Le concept de régime d’accumulation est modelé sur le fordisme, système économique et social qui a vu le jour au cours des années 1920, mais dont la période de maturité s’échelonne de la fin de la guerre au début des années 1970. La prosp érité fordiste s’est fondée sur un équilibre relatif entre consommation et production de masse, toutes deux en rapide expansion. La consommation fut stimulée par un arsenal de mécanismes : politiques keynésiennes, édification de l’État-providence ainsi qu’une forte mobilisation syndicale qui a permis à une majorité de cols bleus et...

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